VIVRE NOEL POUR LES AUTRES

 

CALENDRIER DE L'AVENT

12 DECEMBRE

 

VIVRE NOËL POUR LES AUTRES

 

« Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ, lequel,

existant en forme de Dieu...s'est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes; et ayant paru comme un simple homme, il s'est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu'à la mort,

même jusqu'à la mort de la croix .»

(Philippiens 2.5-8)

 

          Vivre les paroles de l'apôtre Paul dans cette période de l'Avent, et par la suite au quotidien, transformera notre vie ici-bas, et changera notre destinée éternelle. Cette déclaration est d'une telle importance que, si nous la saisissons et la mettons en pratique, elle provoquera en nous un bouleversement radical d'attitude à l'égard des autres. L'histoire authentique qui suit en est une illustration frappante.

 

          Ils étaient nés dans la si douce mais rude Pologne où, même en été, les troncs blancs des bouleaux rappellent les durs frimas de l'hiver. On voudrait savoir le chemin qu'ils avaient parcouru depuis le temps déjà lointain de leur juvénile innocence jusqu'à cette heure inoubliable. Mais qui peut conter les trop nombreuses vicissitudes d'une vie, même d'une vie courte ? Eux ne l'auraient pas su. Il y avait tant d'espoir et de désespoir, de furie et de lassitude, d'arrivées et de départs...

          Et tout cela en vain. Maintenant ils étaient vaincus, et humiliés surtout. A l'aube, harassés, ils avaient franchi une nouvelle frontière où ils devaient déposer leurs armes. Et les piles que cela faisait leur semblaient être comme les bûchers de leur honneur.

          Alors, dans le Jura suisse, chacun s'ingénia à les bien recevoir, ces soldats polonais qui venaient d'aborder dans un îlot providentiel au milieu d'une immense tourmente.

          C'était déjà l'automne. Après qu'ils eurent été soignés, réconfortés, baignés, choyés même, on achemina les quarante rescapés jusqu'en Suisse centrale. Là, les « internés polonais », c'était leur nouveau nom, s'installèrent dans l'école d'un village. Un officier dirigeait la petite troupe qui se comporta admirablement. Le dimanche, comme il n'y avait pas d'église orthodoxe dans la région, ces hommes, habits brossés et chaussures cirées, arrivaient au complet au culte célébré dans le temple du village. Casquette à la main, ils ne s'asseyaient qu'après leur officier, sur les premiers bancs, juste au pied de la chaire. Ils ne comprenaient rien du sermon, prononcé en allemand dans cette partie de la Suisse. Mais, parfois, leurs belles voix se joignaient au chant d'un cantique dont ils reconnaissaient la mélodie. Dans la population, chacun s'ingéniait à leur rendre la vie aussi agréable que possible. La femme du ministre, comme on appelle familièrement la femme du pasteur, n'avait pas été la dernière à faire quelque chose pour leur plus grand confort. Elle avait mis à leur disposition sa « chambre à lessive » où ils avaient pu installer une popote très convenable. Le pasteur les visitait souvent; il leur donnait aussi des leçons d'allemand. Il se sentait étrangement proche de ces êtres désemparés et fiers. Cependant, leurs relations demeuraient très respectueuses. Chaque fois, par exemple, qu'il arrivait, toute la petite troupe se mettait au garde-à-vous. Le Jour du Seigneur, c'était au pas, casquette en main, que les Polonais entraient dans le temple.

          Et puis, quelques jours avant Noël, ce fut la catastrophe. On avait préparé une fête tout spécialement à leur intention. Quand l'arbre serait allumé, quelqu'un, venu de la ville et qui parlait le polonais, saluerait dans leur langue ces frères étrangers. Cependant, le contingent tout entier, derrière son officier, refusait obstinément de se rendre à la fête. Le jeune pasteur parlementa longuement avec ses amis; mais rien n'y fit. Qu'était-il arrivé ? Une ordonnance du service sanitaire avait exigé que, par mesure d'hygiène, les cheveux de tous les internés fussent rasés. Pour eux c'était le comble de l'humiliation. Le pasteur leur avait pourtant dit, qu'exceptionnellement, ils pourraient garder leur casquette sur la tête dans le temple. Ils avaient refusé par respect pour la maison de Dieu. Ne pouvant pas supporter d'être pris pour des pouilleux que l'on avait tondus, ils allaient donc se priver de la fête de Noël. Les villageois étaient consternés. Leurs préparatifs tombaient à plat; mais que pouvaient-ils faire ? Cependant, le 24 décembre au soir, on apprit que les Polonais seraient au culte le lendemain matin. Que s'était-il passé ? On n'allait pas tarder à l'apprendre. Le jour de Noël, le temple se trouvait bondé. Les membres de la chorale étaient en place. L'institutrice du village avait déjà commencé à jouer de l'harmonium. Les Polonais n'étaient toujours pas arrivés. Enfin, suivis de leur officier, ils entrèrent, casquette à la main et crânes tondus. Pourtant, arrêtés à leur place réservées, aux premiers rangs, ils restèrent debout, sans bouger. C'était inhabituel et étrange. Était-ce une coutume polonaise de Noël, une marque de respect envers Celui qui avait voulu naître comme tous les hommes et se présenter ainsi comme un frère ? Personne ne pouvait le dire.

          La porte latérale du temple s'ouvrit et le pasteur entra pour monter en chaire. Un murmure s'entendit dans cet auditoire d'habitude si recueilli. L'officier polonais fit le salut militaire. Mais était-ce vraiment le jeune pasteur de l'endroit ? Personne ne le reconnut avant qu'il ne prononce les premiers mots de la prière.

          Par affection pour les hommes tondus et humiliés et pour les appeler finalement à la fête de Noël, le jeune serviteur de Dieu, lui aussi, avait rasé son abondante chevelure.

          Entre les hommes des premiers rangs et lui ce fut désormais plus que du respect, mais une amitié à la vie et à la mort.

 

          Paul dit: « Je me suis rendu le serviteur de tous, afin de gagner le plus grand nombre. » (1 Corinthiens 9.19)

 

          Suivre cette règle spirituelle, c'est vivre pleinement l'esprit de Noël.

 

Paul BALLIERE

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