PRÉSENTE AUSSI LA GAUCHE
« Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant.
Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre. »
Matthieu 5.39
D’ordinaire, ceux qui veulent prouver que ton Maître était un doux rêveur incapable de s’adapter aux conditions terrestres, invoquent ce précepte : « si on te frappe sur la joue droite, présente aussi la gauche ». « Jésus est l’homme – disait Nietzsche – qui s’est élevé le plus haut qu’on ait fait jusqu’ici, et s’est trompé de la façon la plus touchante, la plus sublime ».
Pourtant, si tu veux bien considérer sa vie, elle te fera voir qu’il n’a pas d’illusions sur les hommes ; il connaît leurs contradictions, leurs faiblesses, et la puissance du péché, active encore au cœur de ses propres disciples : « race incrédule et perverse ! » leur dit-il ; et le premier mot de sa prédication, c’est : « repentez-vous ! »
L’amour de Jésus n’est pas celui d’un adolescent naïf pour un univers qu’il ignore ; c’est un amour blessé, déçu, sanglant, d’autant plus clairvoyant. « Il n’est de bon, dit-il, que Dieu seul ! » Est-ce là le langage d’un optimisme utopiste ?
C’est justement parce qu’il y voit clair que le Maître dénonce notre sagesse prétendue : cette prudence où tant de haine et d’égoïsme se concentrent, notre instinct de vengeance qui prend le nom du droit de se défendre. Il le sait bien, qu’aucun de nous n’est saint ! Mais il est là, précisément, pour nous montrer le chemin.
La sainteté ne se laisse pas gagner par la folie des autres, contaminer par leur péché ; elle oppose l’amour à la haine, le pardon à l’injure ; au lieu de rendre coup pour coup, elle absorbe et surmonte le mal par le bien ; lucidement, elle « présente la joue gauche ».
Philippe VERNIER
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