LE CRI DE MINUIT (1° partie)

 

Message aux Églises...

 

          Les événements tragiques qui bouleversent en ce moment l’humanité entière donnent à l’écrit qui suit la plus brûlante actualité. Puisse-t-il toucher votre cœur, cher lecteur ; car, ne vous y trompez pas, l’heure a sonné où le Christ va juger l’Église et le monde.

          Comment échapperez-vous si, fermant les yeux et les oreilles, vous négligez, vous méprisez, ses solennels avertissements ?

 

LE CRI DE MINUIT

(1° partie)

 

« L’un sera pris, l’autre laissé »

(Luc 17.36)

 

          Un soir, à notre culte de famille, nous avions lu, ma femme, mes deux enfants et moi, le quatrième chapitre de la première épître de saint Paul aux Thessaloniciens.

          Avant d’aller me livrer au repos, assis dans un fauteuil, je réfléchissais aux derniers versets de ce chapitre.

          La journée avait été très fatigante et, comme d’importantes affaires m’obligeaient à me lever le lendemain de grand matin, j’allai me coucher plus tôt que d’habitude.

          Mais je ne pouvais trouver le sommeil.

          Ces paroles mystérieuses, troublantes, que nous avions lues quelques instants auparavant, me poursuivaient : longtemps, elles me tinrent éveillé :

          « ...Car le Seigneur Lui-même, à un signal donné à la voix d’un archange et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel: et les morts en Christ ressusciteront premièrement. Ensuite nous, les vivants alors sur la terre, nous serons enlevés tous ensemble avec eux au milieu des nuées, à la rencontre du Seigneur, dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur... » (1 Thessaloniciens 4.16-18).

          - Quelle étrange chose, me disais-je, et comment doit-on comprendre ces paroles ? N’est-ce qu’une simple image ? Ou devons-nous, au contraire, y voir la prédiction précise d’un événement dont l’accomplissement littéral est absolument certain ?

          Ma femme et ma fille, chrétiennes convaincues, très attachées à tout l’enseignement de l’Écriture, se rangent sans la moindre hésitation à cette dernière opinion.

          Mon fils Pierre et moi restons plutôt sceptiques. C’est si invraisemblable... Et malgré moi, mon esprit travaillait, travaillait...

          Après bien des efforts pour chasser ces pensées, mes paupières finirent par s’alourdir et je m’endormais profondément.

          Un sursaut brusquement me réveilla. Il faisait grand jour. Je me levai à la hâte, craignant de m’être mis en retard.

          Quelle ne fut pas, tout d’abord, ma surprise de constater que la place de ma femme était vide. Supposant, toutefois, que ce n’était qu’une absence de peu de durée, car ses vêtements étaient posés à leur place habituelle, rapidement, je m’habillai.

          Comme je n’entendais aucun bruit, je me dirigeai vers la chambre contiguë, celle de notre fille Marie.

          - « Peut-être est-elle malade, me dis-je, et ma femme est auprès d’elle ? » Je frappe. Point de réponse. Je tourne le bouton de la porte, j’entre : Personne.

          - « Voilà qui est vraiment bizarre. Ah ! ça, où peuvent-elles bien être allées toutes deux ? »

          J’appelle dans le couloir : « Marie ! Maman ! Marie ! » Pas de réponse.

          Une étrange émotion me saisit alors, mon cœur se serra, et j’eus toutes les peines du monde à rester calme.

          Je montai à l’étage supérieur, où se trouvait la chambre de notre garçon, Pierre.

          Il était debout, déjà habillé. D’habitude, il n’était pas aussi matinal, et je le regardai, surpris. Il avait l’air tout renfrogné.

          - « Bonjour papa, me dit-il, comment vas-tu ? Moi, j’ai passé une mauvaise nuit, pleine de cauchemars ; je me suis réveillé de très bonne heure et, ne pouvant me rendormir, j’ai préféré me lever. Est-ce toi qui m’as appelé ? »

          - « Sais-tu ce que sont devenues ta mère et ta sœur ? » fis-je, affectant l’indifférence.

          Il faut croire qu’une certaine inquiétude perçait quand même dans le ton de ma voix, car il répondit, nerveux :

          - « Mais non ! Pourquoi ? Où sont-elles ? »

          Sans rien ajouter, je redescendis précipitamment dans ma chambre pour achever au plus vite ma toilette, comme j’en ressortais, Pierre était là devant moi :

          - « Impossible de les trouver, s’exclama-t-il. Mais, le plus fort, c’est que la porte d’entrée de la maison est fermée à double tour, et la clef dans la serrure.

          Nous nous regardâmes sans un mot, absolument bouleversés.

          Machinalement, je revins à la chambre de Marie. Sur sa table, bien en évidence, sa Bible était ouverte. Je m’approchai et lus ce verset souligné :

          « Tenez-vous prêts, car le Fils de l’homme viendra à l’heure que vous ne pensez pas » (Matthieu 24.44).

          - « Ce passage, me disait toujours ma femme, avec assurance, se rapporte à la venue soudaine de Jésus-Christ, quand il apparaîtra mystérieusement pour enlever les siens. »

          - « Mais non, répondais-je, mais non, il s’agit là, tout simplement, de notre préparation à la mort. »

          Un terrible point d’interrogation venait de se dresser pour moi : Seraient-elles parties au devant du Seigneur ?...

          Mais je repoussai de toutes mes forces cette pensée.

          Cependant Pierre, qui ne tenait plus en place, et moi qui voyais à l’évidence que quelque chose de plus qu’anormal s’était passé, nous décidâmes de ne pas attendre le déjeuner et d’aller, chacun par un chemin différent, visiter les maisons de nos intimes, à la recherche de nos bien-aimées.

 

 

*

* *

 

          Je me rendis tout d’abord chez la sœur de ma femme, Mme Alençon. Elle et son mari font partie de notre paroisse ; lui-même en est le trésorier. En somme, personnes des plus respectables, aimant leur église, mais fort lancées dans le monde.

          - « Sûrement, personne n’est encore levé », me disais-je, tandis que je sonnais à la porte. Enfin, ma belle-sœur parut, expliquant avec force excuses qu’elle avait eu à préparer elle-même le déjeuner :

          - « Car, figurez-vous, dit-elle, parlant avec une extrême volubilité, figurez-vous le tour que nous a joué notre bonne : nous avions passé la soirée chez nos amis Lemaire, où il y avait une partie de bridge qui n’en finissait pas, et nous étions rentrés très tard ; or, notre bonne que nous avions toujours considérée comme une fille très sérieuse, affectant même des airs de piété que je trouvais plutôt exagérés, une vraie petite fanatique, eh ! bien, imaginez-vous qu’elle a découché et elle est partie je ne sais où... Hélas ! A qui peut-on se fier aujourd’hui...

          Elle s’arrêta un moment pour reprendre haleine, puis continua de plus belle :

          - « Mais, ce qui nous a le plus stupéfaits, c’est que nous avons trouvé toutes les portes fermées, exactement comme nous les avions laissées hier soir en allant nous coucher. »

          - « Ah ! ça c’est trop fort », m’écriai je, n’y tenant plus. Et en quelques mots, je dis les raisons qui m’amenaient à faire une visite aussi matinale.

          Quand ma belle-sœur apprit la mystérieuse disparition de ma femme et de Marie, elle faillit se trouver mal.

          - « Écoutez, lui dis-je, pour donner le change, je n’ai pas encore déjeuné ; permettez-moi de m’inviter chez vous. » Et j’entrai.

          Mis au courant, son mari prit la chose en riant, disant que ces dames avaient probablement voulu me faire une plaisanterie :

          - « Vous pouvez être certains qu’elles sont déjà rentrées à l’heure qu’il est, et qu’elles vous attendent, inquiètes peut-être de votre absence ».

          Cette idée remonta un peu ma belle-sœur, et l’on se mit à table.

          - « Ah ! Je regrette, mais il faudra se passer de lait, dit Mme Alençon, le front redevenu soucieux ; notre laitier, pourtant toujours si prompt, n’est pas encore arrivé... »

          Sur ces entrefaites, on sonna ; c’était Pierre.

          Très agité, il nous raconta qu’il revenait de la maison, après avoir vainement parcouru tout le quartier, et que, dans plusieurs habitations où il était entré pour demander des nouvelles, le même événement s’était produit.

          - « Les rues sont pleines de monde, dit-il en terminant ; des gens très excités courent, en quête, comme nous, de membres de leurs familles. Il en est qui pleurent à chaudes larmes... Non, vous ne vous imaginez pas l’émotion qui règne en ville... »

          Sa voix s’altéra et ses yeux se mouillèrent.

          On sonna plusieurs fois avant la fin du déjeuner ; c’étaient des amis de la maison allant aux nouvelles, ou cherchant, eux aussi, des parents disparus.

          L’un d’eux, M. Fernay, ami intime de mon beau-frère, survenant, s’écria, la figure bouleversée :

          - « Mes deux garçons, l’un de quinze, l’autre de dix-huit ans, nous ne savons pas ce qu’ils sont devenus ! Ni leur grand-mère paralysée, et qui n’avait pas quitté le lit depuis six ans ».

          A cette nouvelle, Monsieur Alençon pâlit, gagné par l’inquiétude générale. II rapporta même une conversation qu’il avait eue, la veille, avec un ami dont les idées religieuses lui avaient paru, confessa-t-il, quelque peu excessives. Cet ami insistait, disant : « Un trop grand nombre de membres de nos églises ne sont guère chrétiens que de nom, aimant l’argent et le plaisir plus que Dieu, et se conformant au monde à un tel point qu’il est impossible de les reconnaître pour des disciples de Jésus-Christ. L’indifférence des masses pour les questions religieuses va en s’accentuant toujours plus, ajoutait-il avec tristesse, et la tiédeur spirituelle est la caractéristique de notre temps. Les prophéties achèvent de s’accomplir. L’ivraie est plus haute que le blé. Le levain a fait lever et fermenter toute la pâte. L’apostasie bat son plein... »

          « Jésus n’a-t-il pas dit : « Quand le Fils de l’Homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Luc 18.8).

          « Entendez-vous gronder l’anarchie ? ajoutait-il ; l’autorité s’en va en poussière ; les empires s’écroulent : « les étoiles tomberont du ciel » avait prédit Jésus.

          « Comme poussés par une main invisible, les Juifs rentrent en masse en Palestine dans des conditions et des circonstances troublantes et singulièrement analogues à celles du retour de la grande captivité de Babylone.

          « Prenez garde ! Les temps sont graves. Jamais les appels de Dieu n’ont résonné plus solennellement qu’à cette heure ».

          Il affirmait enfin - et ici la voix de mon beau-frère, devenue plus grave, se mit à trembler légèrement - qu’ « au moment choisi par Dieu et connu de Lui seul, le Christ viendrait soudainement comme un voleur dans la nuit, pour enlever ses rachetés, les vivants comme ceux déjà morts. Cette transformation inouïe devait s’effectuer avec la rapidité de l’éclair, « en un clin d’œil » : il y aurait un grand cri, un appel de trompette que percevraient seulement ceux auxquels ils s’adresseront.

          « Et c’est alors, disait mon ami, que s’accomplira cette parole du Christ : « Aux jours de Lot, on mangeait, on buvait, on vendait, on plantait, on bâtissait, et le jour où Lot sortit de Sodome, il tomba du ciel une pluie de feu et de soufre qui les fit tous périr. Il en sera de même le jour où le Fils de l’Homme apparaîtra... Je vous le dis, en cette nuit-là, de deux personnes qui seront dans le même lit : l’une sera prise et l’autre laissée » (Luc 17.26-37).

          « Je crains bien, conclut mon beau-frère, secouant la tête avec une sorte d’accablement qui contrastait singulièrement avec son air assuré du début, je crains bien que ce jour ne soit arrivé ; et... » fit-il à voix plus basse et à peine perceptible... Il s’arrêta.

          - « Et ? » demandâmes-nous, d’une voix anxieuse.

          - « Et, c’est triste à dire, nous sommes parmi les laissés.

 

 

*

* *

 

          La matinée s’avançait. 

          Nous nous étions levés pour prendre congé, Pierre et moi, le regard chargé d’une insurmontable tristesse. Il nous tardait de rentrer chez nous.

          C’est en tremblant que je tournai la clé dans la serrure, que je poussai la porte et que j’entrai.

          La maison, hélas ! était toujours vide. Nous ne nous sentîmes pas le courage d’y rester, tant était lugubre le silence des chambres désertes, et cette solitude pesait lourdement sur nos âmes, comme une inexorable condamnation...

          Sous peine de se laisser écraser par le découragement, il fallait à tout prix sortir de cette angoisse, agir, voir quelqu’un... Rassemblant toute mon énergie, je proposai d’une voix que je m’efforçais de raffermir :

          - « Si nous allions un peu à nos affaires ? »

          - « Oui, répondit Pierre, d’une voix sourde. »

          Le cœur nous manquait.

          Sans enthousiasme, mon fils se dirigea vers son travail, et moi, le cerveau vide, j’allai à mon bureau.

          En chemin, j’aperçus un homme qui se dirigeait vers moi, les bras levés, comme fou. C’était un de nos voisins, incrédule s’il en fut. Sa figure était à peine reconnaissable tant son air était atterré.

          - « Je viens du cimetière, où est la tombe de mes vieux parents et d’une petite fille de sept ans que nous avons perdue. Non, vous ne vous imaginez pas, fit-il, la voix tremblante d’émotion, vous ne vous imaginez pas l’aspect du cimetière, comme si un tremblement de terre était survenu cette nuit. Des dalles de tombeaux ont sauté en l’air ; ça et là, des fosses béantes et vides, des cercueils éventrés ne contenant plus que quelques oripeaux, hideux à voir. De mes parents, des croyants à l’ancienne mode, je n’ai plus trouvé trace.

          « Et de ma petite fille non plus, ajouta-t-il dans un sanglot qui m’arracha les larmes. Si vous l’aviez connue cette enfant. Elle priait comme un ange et parlait sans cesse du ciel... Ah ! sûrement, c’est la fin du monde ! »

          Et sur ces paroles il se sauva, comme poursuivi par la plus affreuse vision.

 

          Des foules inusitées d’hommes, de femmes et d’enfants, dont les traits contractés, les yeux fixes, traduisaient l’anxiété intense, remplissaient les rues où toute la vie semblait s’être jetée.

          De nombreux édifices publics avaient mis leur drapeau en berne et les cloches de plusieurs églises sonnaient le glas, ce qui accentuait encore la note d’indicible inquiétude.

          Dans le quartier commerçant, je remarquai très peu de magasins fermés. Mais il ne paraissait pas s’y traiter d’affaires.

          Place de l’Hôtel de Ville, il y avait un rassemblement. Les gens les plus en vue en matière politique me semblèrent y être au grand complet. Faisant les cent pas, par petits groupes, ils discutaient avec animation.

          Par contre, tous les cafés étaient ouverts, et, devant, des cercles s’étaient formés où des hommes, avec de grands gestes, parlaient très haut.

          Sans m’arrêter, j’arrivai à mon bureau.

          Là, j’appris que le teneur de livres, ainsi que mon brave commissionnaire, attachés depuis fort longtemps au service de la maison, ne s’étaient pas encore montrés. Mes deux commis étaient assis à leur place, le porte-plume en l’air, le regard dans le vide.

          Je ne me sentis pas plus le courage de leur donner du travail que d’ouvrir mon courrier.

          Ressortant presque aussitôt, je me dirigeai vers la Bourse.

          Pénétrant dans le grand hall, je constatai que l’affluence y était plus forte qu’ailleurs. Jamais je n’y avais vu autant de monde.

          Mais au lieu du brouhaha habituel des coulissiers criant à tue-tête, des agents de change s’interpellant ; au lieu de tout l’assourdissant vacarme bien connu, un silence profond, d’autant plus impressionnant, et une sorte de stupeur planaient sur cette foule.

          Du consentement unanime, « eu égard au grand malheur qui avait fondu sur la ville », selon l’expression même du Président de la Chambre de Commerce, il avait été décidé qu’un délai de grâce de trois jours serait demandé aux pouvoirs publics, suspendant toutes les échéances qui tombaient ce jour-là.

          Une quantité incroyable de raisons furent émises pour tâcher d’expliquer l’événement qui avait jeté un tel trouble dans la ville. Mais chacun s’accordait à conclure : « évidemment, c’est surnaturel ».

          On se sentait envahi par un indéfinissable malaise; et le sentiment instinctif, irraisonné, qui dominait était: Que va-t-il, maintenant, se passer ? Ceux qui restent sont assurément bien à plaindre...

 

*

* *

 

          L’heure du dîner était depuis longtemps passée. Nul n’y avait pris garde.

          L’après-midi, sans qu’il y eût la moindre entente, toutes les affaires furent arrêtées, les magasins fermés, sauf les cafés, qui, eux, regorgeaient de monde.

          Dans les rues, sur les places, des groupes se formaient ; une sorte de sympathie s’établissait entre gens qui ne se connaissaient pas...

          Des crieurs d’éditions spéciales de journaux commençaient à passer. On s’arrachait les feuilles. L’une d’elles portait en manchette, en gros caractères : « Serait-ce la fin du monde ? » Après quelques minutes de lecture, déçus de n’y rien trouver qui apaisât leur inquiétude, les gens les froissaient et les jetaient à terre, rageusement.

          Devant les maisons où portes et volets étaient demeurés clos, la famille ayant disparu en entier, maisons très rares, on s’arrêtait, des attroupements se formaient, on se nommait les habitants du logis ; il y avait là un tel, il y avait là une telle... On frappait, on appelait ; les commentaires allaient leur train.

          Dans l’un des groupes, un homme pérorait. On l’écoutait avec une attention extraordinaire. C’était un membre assidu de la réunion de prières hebdomadaire de notre église, à laquelle ma femme ne manquait jamais d’assister.

          Il disait à ce moment: 

          - Eh ! oui, c’est bien le jour dont Paul parle aux chrétiens de Corinthe : « Voici un mystère que je vous révèle : nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons changés, en un instant, en un clin d’œil... » (1 Corinthiens 15.51).

          Le Christ, aussi, avait prédit cet événement.

          L’Évangile nous avertissait : « Tenez-vous prêts, car le Fils de l’homme viendra à l’heure que vous ne pensez pas... » (Matthieu 24.44).

          « Pour moi, je suis d’autant plus inexcusable que j’ai toujours admis cette vérité. J’aimais entendre expliquer les prophéties et je ne rejetais aucune d’elles ; mais dans l’étude que j’en faisais, il y avait surtout une part de curiosité intellectuelle, d’attrait du mystère. J’y ai cru, mais avec mon cerveau et non avec mon cœur ; ma vie n’en restait pas moins égoïste et superficielle, et pour tout dire, j’étais loin d’attendre le Christ comme on attend un être tendrement aimé qui peut revenir d’un moment à l’autre...

          « Sans doute, j’aimais les réunions religieuses, mais d’un amour intéressé, pour les consolations et pour la satisfaction que j’en retirais, et non pas en vue de ma consécration au service de Jésus-Christ pour le salut des pécheurs. Je me servais de Dieu, je ne le servais pas. J’étais un parasite de l’Église. Et quand je chantais « Christ est ma vie », ou bien « Tenons nos lampes prêtes, chrétiens préparons-nous », c’étaient des mensonges qu’inconsciemment je chantais... »

          A quelque distance de là, sur une petite place, j’aperçus l’un des conférenciers laïcs les plus connus et les plus écoutés de la ville. Catholique en vue, avocat de grand talent, il avait toujours montré une activité religieuse remarquable. Un cercle nombreux l’entourait.

          Mais sa parole avait perdu le ton oratoire. Des phrases simples, courtes, rendaient plus émouvant son discours.

          - « Mes amis, disait-il, nous nous sommes toujours crus très forts en logique. Et nous l’avons été, c’est sûr, pour tout ce qui a trait aux affaires de ce monde. Mais au point de vue chrétien, nous avons été des insensés.

          « Nous affirmons, en effet, d’une part tenir l’Écriture Sainte pour la suprême autorité religieuse, la souveraine règle de notre foi, et puis, d’autre part, nous lui donnions, par notre vie, les plus graves démentis.

          « C’est que nous voulions accommoder la Parole de Dieu à la sagesse humaine, et ainsi, sur l’autel du monde et du « qu’en dira-t-on », nous avons sacrifié la fidélité à l’enseignement du Christ et des apôtres.

          « Et voici que toutes nos œuvres, toute notre agitation, viennent d’être éprouvées par un feu que n’ont pas allumé des mains d’hommes. Et nous voyons que tout a brûlé comme du chaume...

          « Les prophètes, qui parlent du retour de Jésus pour venir enlever son Église avant la terrible tribulation qui s’approche - simples images, disions-nous, hyperboles, où l’imagination orientale se donne libre cours. Pourquoi Jésus parle-t-il ainsi ? simplement pour faire une plus forte impression sur les âmes. Mais nous n’avons à en retenir qu’une invitation à nous préparer pour la venue soudaine de la mort.

          « Comme si, s’exclamait l’orateur, Jésus, qui est le Prince de la vie, avait jamais voulu s’identifier avec la mort, avec le prince des épouvantements… !

          « Au fond, la vérité, c’est que nos cœurs incrédules n’admettaient pas, malgré la lucide et formelle précision des avertissements du Christ et des apôtres, qu’un événement aussi prodigieux pût jamais se produire.

          « Encore si nous étions véritablement, sincèrement, préparés à la mort. Mais avouons qu’aucun de nous ne voulait se détacher assez de ce monde, et renoncer à soi-même au point de mettre Dieu et les intérêts de son Royaume en première place dans sa vie et dans ses pensées. Nous accommodions, au mieux de nos intérêts et de nos affaires, la parole du Christ : « celui qui cherchera à sauver sa vie, la perdra ; et celui qui la perdra, la retrouvera... quiconque ne renonce pas à tout ce qu’il possède ne peut être mon disciple... » Tout cela était bien quelque part dans notre tête, mais n’avait pas un sens réel, absolu, dans notre vie. De l’argent, de l’argent, gagner toujours plus, tel était notre suprême objectif.

          « De même que la plupart des Juifs, contemporains de Jésus-Christ, avaient refusé de prendre à la lettre, c’est-à-dire au sérieux, les différentes prophéties qui précisent, dans l’Ancien Testament, la première venue de Jésus, de même, nous avons traité avec une supériorité dédaigneuse les prophéties du Nouveau Testament, comme de l’Ancien, relatives à sa seconde venue. Nous avons voulu passer au crible de nos raisonnements la déclaration du Seigneur : « Voici, je viens bientôt. Heureux celui qui garde les paroles de la prophétie de ce livre ». Apocalypse 22.7, ne comprenant pas, tant nous étions aveugles, que la durée de nos siècles n’a même pas, devant Dieu, la valeur d’un millième de seconde. En sorte que la venue soudaine, fulgurante du Sauveur, nous a trouvés préoccupés de tout, sauf de cet événement!

          « N’allions-nous pas jusqu’à oser prétendre que Paul et les chrétiens de l’Église primitive s’étaient trompés en prenant à la lettre la promesse du retour prochain du Seigneur, et en attendant, avec une sainte ferveur, ce retour ? Nous n’avions pas compris l’enseignement profond de notre Seigneur qui voulait que l’Église, son Épouse, se considérât, à partir du jour de son ascension et jusqu’à son retour, comme une veuve, et qu’elle portât, en quelque sorte, son deuil, dans un monde en révolte contre lui (Matthieu 9.14-16).

          « Au lieu de cela, l’Église s’est installée dans le monde, et elle a déclaré : Je suis assise en reine ; je ne suis point veuve ! (Apocalypse 18.7-9).

          « Et dire qu’en discutant ainsi les paroles de l’Écriture, nous avions l’orgueilleuse prétention de leur donner un sens plus idéal, plus spirituel que le sens littéral, c’est-à-dire celui que lui attribuaient les apôtres. Ce n’est, hélas! que trop manifeste.

          « Ah ! le terrible réveil ! ».

 

(à suivre)

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Commentaires: 1
  • #1

    chantal (lundi, 27 janvier 2020 20:09)

    quelle criante vérité voilà. Préparons nous car il est à la porte . ma belle famille ne veut rien entendre et cela est tragique .Alors il faut continuer à témoigner coûte que coûte jusqu'au jour prochain oü l'absence sera témoignage de la vérité.Gloire à Dieu !