UN MÉMORIAL QUE L’ON VOIT
Nous voyons en cela la bonté du Seigneur. La forme de cette commémoration s’accorde à notre faiblesse. Nous avons besoin de voir, nous voulons toucher, nous ressemblons bien à Thomas qui disait : « Si je ne vois...je ne croirai point. » Cette sorte de remarque ne trahit pas forcément l’expression d’une profonde incrédulité, mais peut-être s’agit-il de ce désir instinctif d’être aidé par les sens physiques. Le Seigneur connaissait parfaitement notre besoin dans ce domaine et c’est pourquoi il nous a donné ce mémorial visible.
Ainsi, ces objets visibles et tangibles servent d’écrin à la vérité de notre salut. Dans sa grande bonté, le Seigneur a prévu ce signe externe afin de toucher, au travers de nos sens physiques, notre perception spirituelle.
Vous n’êtes pas sans savoir que l’histoire sainte regorge de tels signes externes à l’usage de nos sens. Passons un peu de temps à en faire une brève récapitulation.
Lorsque Dieu établit son alliance avec Noé, il lui dit en fait : « La prochaine fois que tu verras l’arc-en-ciel, souviens-toi que tel est le signe que j’établis entre nous pour te rappeler que je ne détruirai plus jamais le monde par un déluge » (Genèse 9.17). Et, chaque fois que Noé regardait l’arc-en-ciel, cela servait de témoignage à ses yeux. Puis, il y eut le repas pascal lui-même, avec lequel comme nous le savons, la Sainte Cène a des affinités si étroites. Les Israélites devaient observer la Pâque et, à chaque fois, ils devaient relater le récit de la délivrance que leur avait accordée le Seigneur afin de s’en souvenir. La fête des Tabernacles, au cours de laquelle le peuple vivait et dormait dehors sous des tentes de feuillage, lui rappelait également, par un souvenir visible, sa vie sous tentes et son voyage à travers le désert. Rappelons-nous aussi la verge d’Aaron et le pot de manne déposés dans l’arche de l’alliance en souvenir de ce que le Seigneur avait fait. Enfin, dernier exemple de ces signes externes que nous citerons, il y eut les pierres de témoignage que Josué prit dans le Jourdain. Les pierres, entassées en un monument silencieux, parlaient cependant tout autant qu’un prédicateur éloquent.
Nous pouvons donc tirer de cela la conclusion, puisque nous considérons la Sainte Cène comme un souvenir visible, que nous devons prendre les choses comme elles sont, et observer exactement ce commandement avec ces signes externes, visibles et tangibles.
Je pense qu’il nous incombe de préserver la simplicité de la forme de ce rite. N’est-il pas remarquable que l’objet de la première attaque de l’adversaire contre l’Évangile au cours de l’histoire, se soit située au niveau de la forme des deux ordonnances sacrées du Seigneur : le baptême et la Sainte Cène. Celui qui corrompt l’un ou l’autre de ces commandements obscurcit, ou fait même disparaître, la claire représentation qu’ils donnent de l’Évangile. Je crois qu’il nous faut voir l’un des maux de l’Église chrétienne d’aujourd’hui dans le succès avec lequel l’adversaire a obscurci la signification du baptême d’abord, et ensuite de la Sainte Cène. Toutes les sophistications introduites dans la Cène jusqu’à en faire presque un culte idolâtre (comme chez les catholiques romains et d’autres confessions similaires), détruisent sa simplicité destinée à aider notre vue et notre compréhension. Pour cette raison, assurons-nous que nous préservons la simplicité de la table du Seigneur, que nous n’observerons rien de moins que ce que nous a commandé le Seigneur, ni rien de plus.
Que sont donc ces éléments qui font partie de ce mémorial visible ? Ce sont des symboles commémoratifs. « Ceci est mon corps » n’indique pas une identité, comme l’enseigne Rome et comme Martin Luther continua de le soutenir, mais une représentation. Si je tiens à la main une photo, et que je vous dise : « C’est mon épouse », vous n’irez jamais penser que ce morceau de papier cartonné est, en fait, mon épouse. Il nous faut tenir compte des libertés de la langue. Je crains qu’à cause de notre conviction dans l’inspiration plénière de la Bible, nous n’interprétions souvent celle-ci de manière très bornée. N’est-il pas raisonnable de penser que les écrivains bibliques aient utilisé le langage de manière tout aussi vivante que nous le faisons nous-mêmes ?
Nous émaillons presque toutes nos phrases d’expressions métaphoriques et, si l’on devait prendre au pied de la lettre tout ce que nous disons, quelle confusion s’ensuivrait ! Si quelqu’un dit « être tombé dans les pommes », personne ne pensera qu’il a eu de la chance de se trouver sous un pommier. Quelqu’un d’autre, dira-t-on, a réussi à l’examen parce qu’il a reçu « un bon tuyau ». Personne ne va lui demander s’il s’agissait d’un tuyau en cuivre ou en plastique...La métaphore fait partie de notre langage et je suis convaincu que nous avons grand besoin aujourd’hui de réexaminer nos principes d’interprétation de l’Écriture.
Dans ces mots de l’institution de la Sainte Cène, nous voyons, sans aucun doute, un exemple d’expression métaphorique appartenant à une façon de parler normale et vivante. Il est clair que cela ne veut rien dire d’autre que : « Cela signifie (ou représente) mon corps. » Si vous voulez un argument convaincant à ce sujet, en plus du principe que l’on peut déduire de l’utilisation générale du langage, vous le trouverez en 1 Corinthiens 11.25. Paul y rapporte que « de même, après avoir soupé, il prit la coupe et dit : cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang. » Évidemment, la coupe ici n’était pas l’alliance mais le symbole de l’alliance, le signe et l’expression de l’alliance. De plus, toute interprétation matérielle disparaît devant le fait que le Repas eut lieu avant la Passion, tandis que le Seigneur était toujours dans un corps. Le pain et le vin sont donc des signes et, par eux-mêmes, ils ne sont rien de plus. Mais soyons prudents. Cela ne signifie pas que la commémoration ne soit rien de plus. Il ne s’agit pas là de gestes sans signification. Ce n’est pas parce que les éléments, le pain et le vin, sont des signes, et rien d’autre, qu’il faut en déduire qu’il n’y a rien de plus dans le rite. C’est ce qui nous amène à une autre pensée. Le repas du Seigneur est :
Un mémorial qui fortifie
On ne peut imaginer que l’accomplissement de ce commandement n’ait pas été prévu par le Seigneur comme un moyen de grâce pour nous. S’il est vrai que les éléments ne sont rien de plus que des signes de notre rédemption, la cérémonie elle-même n’est pas uniquement une commémoration. J’insiste sur le mot « uniquement ». Je suis persuadé que le point de vue de Zwingli* sur la Sainte Cène, qu’elle consiste en une commémoration dans la signification des éléments, est parfaitement correct. Mais, nous nous élevons au-dessus des éléments. Le service n’est pas complet simplement avec le pain et le vin. La foi active du croyant, quand il prend les éléments, revêt une immense signification. Il se nourrit du Seigneur Jésus-Christ lui-même. Et donc, tandis que les éléments ne constituent que des symboles, le repas dépasse l’aspect symbolique. C’était Charles Spurgeon (sur l’orthodoxie duquel je me permets de m’appuyer) qui exhortait son assemblée, dans un de ses sermons sur la Sainte Cène, à « se régaler de lui ». La célèbre formule : « Nourrissez-vous de lui dans vos cœurs par la foi » exprime cette réalité spirituelle. Pour citer encore le fameux sermon de Spurgeon : « Nous ne mangeons pas seulement de son pain, mais symboliquement nous nous régalons de Christ...Je crois en la présence réelle de Christ ; je ne crois pas en sa présence charnelle, telle que l’enseigne Rome. Je crois dans la présence réelle pour le croyant ; et cette réalité, bien plus spirituelle, n’en est pas le moins du monde particulièrement réelle. » Quelle bénédiction cela a été de nous rassembler tant et tant de fois autour de la table du Seigneur, avec le peuple du Seigneur ! Cela n’a-t-il pas été un moyen de grâce pour vous ? Cela n’a-t-il pas été un moyen à travers lequel le Seigneur vous a montré sa gloire, a renouvelé votre foi et augmenté votre amour ? Bien sûr que si !
Toutefois, cette bénédiction n’est pas dans les éléments eux-mêmes mais dans la commémoration. Elle vient par la foi avec laquelle nous prenons ces éléments. C’est par votre foi, en mangeant le pain et en buvant le vin, que votre cœur et vos pensées ont été élevés vers Celui qu’ils représentent. La Confession de Foi élaborée à Zurich sous l’influence de Zwingli affirme que : « Manger, c’est croire, et croire, c’est manger. » Nous n’avons qu’à ouvrir la Bible à l’Évangile de Jean, chapitre 6, pour y voir que le Seigneur autorise cette interprétation des choses. La Sainte Cène est donc un mémorial qui fortifie et, tant que nous savons quel contenu nous y mettons, nous pouvons jouir de la pleine bénédiction de cette vérité.
Peut-être pouvons-nous résumer cela de la manière suivante : la Sainte Cène est un moyen de grâce spécial, mais non le moyen d’une grâce spéciale. En d’autres termes, il n’y a rien que nous recevions dans la Sainte Cène que nous ne recevons pas quand nous sommes chez nous à genoux, en train de chercher la face du Seigneur, ou bien présents au culte à écouter la prédication de sa Parole. Nous ne recevons rien de différent. La bénédiction nous arrive par un autre moyen, c’est tout. Il y a de nombreux moyens de grâce, n’est-ce pas ; la prédication publique de l’Évangile, la réunion de prière, votre rencontre avec le Seigneur dans la prière personnelle, et la table du Seigneur.
E.F. KEVAN
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* Ulrich Zwingli (1484-1531) : Réformateur suisse de grande influence au XVI° siècle à Zurich.
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