SOMMEIL
« ...Ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront. »
(Daniel 12.2)
Lorsque la chenille a passé par sa dernière mue, elle se met à brouter avec une voracité toute particulière, comme si elle avait une dernière force à saisir, puis...s’arrête. C’est la fin de la chenille. Elle perd ses brillantes couleurs, elle devient même terne et livide, puis se traîne misérablement, cherchant un coin tranquille où elle pourra se retirer. C’est un temps de souffrance et de dépouillement qui commence. Elle se met en devoir de faire elle-même ses préparatifs de sépulture.
Telle chenille prépare un petit amas de soie auquel elle se fixe par les crochets des pattes de derrière. Telle autre, tout en se suspendant par la queue, fait encore passer un fil de soie en forme de ceinture autour du corps pour mieux se consolider. D’autres entrent dans le sol, d’autres bâtissent un cocon solide en terre, en soie ou en poils qu’elles s’arrachent. Celles-là s’entourent d’un filet délicat ou s’introduisent entre deux feuilles qu’elles attachent ensemble par des fils de soie, ou bien encore, repliant en forme de toit une feuille de roseau, tissent leur cocon sous cet élégant abri si plein de poésie.
Puis s’opère la chrysalidation. La chenille se rapetisse, se ratatine, ses anneaux se tuméfient légèrement, puis, tout à coup, sa peau se fend sur la nuque, et la chrysalide paraît comme par une subite explosion. La peau, repliée et roulée sur elle-même, comme un store, glisse le long de l’abdomen et s’amasse en bourrelets. Cette opération critique s’effectue en général en quelques secondes. Si elle tarde, la chenille est perdue.
Après s’être enveloppée de son linceul et avoir construit son cocon dans lequel elle s’enferme comme dans un cercueil, elle s’endort d’un sommeil qui peut durer quinze jours, trois semaines, un hiver, quelquefois deux. On cite même une chrysalide du « Bombyx lanestris » qui est restée sept ans plongée dans son sommeil.
Vous représentez-vous la vitalité de ce petit être bravant l’humidité du sol, l’épreuve des gelées blanches et même des hivers les plus sibériens ! Jusqu’à ce que, par une belle matinée de printemps, s’ouvre sa prison et que, parée d’un vêtement de gloire, cette merveille de la Création ouvre ses ailes pour s’élancer dans le ciel bleu.
J’éprouve toujours un sentiment de poignante tristesse quand, appelé au chevet d’un mourant, j’assiste à l’extinction graduelle d’une belle vie. Voilà un homme qui, hier encore, se tenait droit, parlait bien, vous fixait de son beau regard ; et le voilà terrassé ! Cette brillante intelligence s’atrophie, les mots à exprimer n’arrivent plus, les yeux deviennent ternes, on ne se comprend plus. Je songe alors à la chenille arrivée au bout de son évolution, terne, rapetissée, immobile, et je me dis : C’est vrai ! « Ainsi en est-il de la résurrection des morts. Le corps est semé corruptible, mais il ressuscite incorruptible ; il est semé méprisable, mais il ressuscite glorieux ; il est semé infirme, mais il ressuscite plein de force ; il est semé corps animal, il ressuscite corps spirituel. S’il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel. » (1 Corinthiens 15.42-44)
Alexandre MOREL
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