LES DEUX SEMENCES DANS LE CHAMP
(1° partie)
L’ivraie et le bon grain
Matthieu 13.24-30, 36-43.
La présence continuelle du mal dans le monde trouble grandement beaucoup de gens. On demande fréquemment : « Si Dieu est bon, pourquoi le mal existe-t-il ? Si Dieu existe, pourquoi permet-il autant de méchanceté ? » La plupart du temps, ces questions cherchent, par un illogisme grossier, à démontrer que la présence du mal prouve l’inexistence de Dieu (réfléchissez-y, cela ne se suit pas du tout!)
Parfois pourtant, les chrétiens sincères se demandent pourquoi le mal existe, surtout lorsque l’angoisse les assaille à cause d’une terrible tragédie personnelle. Le mal présente une contradiction de la bonté de Dieu, et nous voulons en voir la disparition. Le mal n’est pas une abstraction. On ne peut pas le séparer des gens, de ceux qui agissent ouvertement avec méchanceté et sans aucun trouble de conscience apparent, et de ceux qui souffrent de telles actions. Pourquoi Dieu permet-il aux hommes de faire le mal ? N’y mettra-t-il jamais un terme ? N’y aura-t-il aucun répit à l’oppression du péché de l’homme dans le monde ?
Il est encore plus affligeant, ahurissant même, de voir le mal survenir dans l’Église. Le péché éhonté et impénitent parmi ceux qui professent la foi chrétienne suscite de sérieuses questions.
Comment rencontre-t-on de telles contradictions dans l’Église, la manifestation première du royaume des cieux sur la terre ? D’où vient qu’une si grande proportion de « l’Église » cherche de toute évidence à rejeter le fait que la Bible est vraiment la Parole de Dieu, et épouse ouvertement des positions et des pratiques contraires à la volonté révélée de Dieu ?
Pourquoi y a-t-il tant de faux évangiles en vogue ? Pourquoi Dieu permet-il à l’homme de pervertir le vrai message de son Fils ? Pourquoi ne balaie-t-il pas toute confusion et erreur, de sorte à manifester la réalité de l’œuvre de son royaume, un témoignage unifié à Christ, lançant l’appel clair de l’Évangile ? (cf. 1 Corinthiens 14.) Ne serait-il pas beaucoup plus simple, moins confus et plus fertile, si tous ceux qui prétendent appartenir à Christ proclamaient en fait le seul vrai Évangile et vivaient une vraie vie chrétienne ?
En réponse à de telles questions, Jésus raconte la parabole de l’ivraie et du bon grain. Ce faisant, il ne désire pas tant informer ses auditeurs de réalités déjà connues, à savoir que le monde et l’Église sont pleins de péchés et de contradictions, qu’il veut encourager ses disciples à réaliser l’impotence de tous ces obstacles à retarder l’avance de l’Évangile. Ils servent en fait involontairement les desseins du plan de rédemption divin pour un monde perdu !
Les deux semences et leurs semeurs
13.24-26, 37, 38.
Comme toutes les paraboles, l’histoire possède un certain nombre d’éléments simples. Elle commence par « un homme qui a semé une bonne semence dans son champ », mais un ennemi survient pendant la nuit et sème « de l’ivraie parmi le blé ».
Les serviteurs se demandent d’où vient l’ivraie et s’il faut l’arracher, mais le fermier refuse car cela endommagerait le blé. Il faut donc attendre la moisson pour séparer les deux récoltes, l’ivraie pour le feu, et le blé pour les greniers (13.24-30).
La bonne semence (13.37, 38).
Elle est semée par « le Fils de l’homme » et représente « les fils du royaume », ceux qui se sont véritablement convertis à Christ. Ils se sont repentis devant Dieu et ont cru au Seigneur Jésus-Christ (Actes 20.21). Ils ont été sauvés par la grâce au moyen de la foi en Christ, le seul médiateur entre Dieu et l’homme (Éphésiens 2.8 ; 1 Timothée 2.5) . Ils aiment réellement le Seigneur, marchent dans la lumière comme il est dans la lumière, et ne prennent point part aux œuvres infructueuses des ténèbres (Romains 5.5 ; 1 Jean 1.1 ; Éphésiens 5.11)
Ce sont les citoyens du royaume des cieux, qui reconnaissent la souveraineté de Christ sur leur vie (Éphésiens 2.19, 20 ; Jean 20.28). Personne ne les ravira jamais de sa main (Jean 10.28, 29). Ce sont donc les élus de Dieu, ceux qu’il sauve de leurs péchés, les rachetés du Seigneur.
L’ivraie (13.38, 39).
Il s’agit des « fils du malin », semés par « le diable ». Ce sont les hommes perdus, bien qu’on ne puisse pas au début les distinguer du blé qui pousse dans le champ*. A mesure de la croissance, il devient évident que ce n’est qu’une herbe sans intérêt. « Vous les reconnaîtrez à leurs fruits, disait Jésus au sujet des faux prophètes » (Matthieu 7.16). Les incroyants ne produisent aucun bon fruit, ils sont à comparer à de l’ivraie.
Jésus regarde la destinée ultime des perdus et des élus. Il voit le cœur de l’individu, et il nous donne un rapport simplifié de la lutte qui oppose la lumière et les ténèbres dans l’histoire humaine. Tout comme Dieu est engagé dans une œuvre de salut des pécheurs en ce monde, Satan s’active à se saisir des hommes pour lui-même et à les garder dans la perdition pour toute l’éternité. De manière concrète, cela signifie que là où le royaume des cieux est le plus actif, c’est-à-dire là où le Seigneur change des vies et sauve des hommes, le malin fait également de son mieux pour ruiner les desseins de Dieu (Matthieu 24.24 ; 1 Pierre 5.8).
L’opposition se change en encouragement.
Il n’est pas nécessaire que l’opposition engendre une attitude pessimiste en défaitiste. En un sens elle donne la preuve de l’avancement de l’œuvre divine. « Malheur, avertissait Jésus, lorsque tous les hommes diront du bien de vous, car c’est ainsi qu’agissaient leurs pères à l’égard des faux prophètes » (Luc 6.26). A l’opposé, « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux ! » (Matthieu 5.10)
L’existence d’une obscurité qui résiste au témoignage de la lumière de Jésus-Christ ne doit pas décourager et frustrer, mais au contraire servir aux disciples comme base d’encouragement et de stimulation pour persévérer dans leur voie. L’œil de la foi voit en l’« ivraie » un signe avant-coureur de victoire et non de défaite. Napoléon ordonnait à ses généraux de s’avancer « vers le bruit des canons ». De même, la présence de pécheurs aveuglés, perdus et en route pour l’enfer sert au chrétien d’appel à se joindre à la lutte victorieuse de Dieu contre l’ennemi des âmes !
Le champ
13.24, 38.
« Le champ, c’est le monde » (13.38). Que veut dire Jésus par « le monde » ? Pour certains, il s’agit du monde distinct de l’Église, car Jésus parle ici de ne pas arracher l’ivraie, alors qu’il enjoint autre part l’exercice de la discipline dans l’Église. Il doit donc parler ici exclusivement du monde extérieur à l’Église. Des théologiens montrent sur cette base que l’Église n’a donc pas pour rôle d’améliorer le monde des pécheurs. Ce point n’est pas exceptionnel en lui-même, puisque l’Écriture enseigne par ailleurs que le magistrat civil, et non l’Église, a reçu le pouvoir du glaive (Romains 13.1-7).
Toutefois, Jésus ne parle pas ici du rôle de l’Église face aux hommes perdus, mais de la raison pour laquelle Dieu permet à un mélange de lumière et des ténèbres, de justes et d’injustes, d’hommes sauvés et perdus, de subsister dans le « monde » jusqu’à la fin de l’histoire.
Il est erroné d’utiliser cette parabole pour enseigner quelque chose sur la politique à adopter par l’Église envers un monde incrédule. Il ne faut pas lire dans le texte ce qui n’y est pas ! La parabole se contente de décrire la situation qui confronte l’Église pendant que dure ce monde, ainsi que la raison et le résultat ultime de cet état de fait.
Il devrait être suffisamment clair qu’il ne faut pas prendre « le champ » (le monde) dans le sens le plus large, à savoir, la totalité de la planète, comme si Jésus enseignait qu’il se compose de gens bons et mauvais, et que nous devons nous résigner à ce fait. Les disciples n’avaient pas besoin d’une leçon si élémentaire. Ils savaient qu’il y aurait de la méchanceté, et à revendre, tout au long de l’histoire. Ils n’entretenaient pas quelques notions fumeuses quant à leur rôle d’en purger le monde !
Ils supposaient toutefois que le royaume du Messie allait remporter un succès total dans la communauté juive, avant de s’ouvrir sur de plus grandes perspectives pour le peuple de Dieu dans le monde entier. Jésus ne réussissait pourtant pas sur toute la ligne. Si son royaume était venu, il ne s’agissait surtout pas d’un phénomène invincible, même parmi les Juifs ! Jésus répond ici à la perplexité immédiate des disciples en se centrant sur la question plus précise de la condition du royaume céleste dans le processus de son établissement dans le monde.
Le « champ » est donc le monde sous l’angle de la sphère des opérations du royaume des cieux. Les semailles ont lieu dans le champ précis où le Seigneur travaille et en réponse directe à son œuvre de construction de son royaume. L’accent porte sur ce qui arrive dans le monde partout où l’Évangile est proclamé. A mesure que le royaume de Dieu se développe, le malin s’assure de l’infiltrer avec ses propres gens ! Il opère ses offensives à l’intérieur de la sphère du royaume de Dieu, le « champ/monde » de la parabole.
En conséquence, partout où Christ est prêché, où la vérité de Dieu est proclamée, l’antéchrist s’élève, des hérésies cherchent à attirer les hommes loin du Seigneur (2 Jean 7). Ce qu’on appelait « la chrétienté » est si divisée précisément pour cette raison fondamentale. Ce qu’on peut qualifier, de manière externe et plus large, de royaume de Dieu sur la terre (l’Église visible en général) comporte de l’ivraie en son sein, qui s’oppose ouvertement à l’enseignement de la Parole de Dieu.
La sphère immédiate du chrétien, le royaume de Dieu au sens le plus large, et non pas le monde païen encore vierge de la présence de l’Évangile, est un monde de bon grain et d’ivraie, de voix conflictuelles, d’actions contradictoires.
Une situation confuse se transforme en espérance.
Les croyants s’inquiètent et se troublent de ce que les « chrétiens » ne ressemblent pas tous à la description biblique du vrai disciple de Christ. Ils éprouvent de la détresse en apprenant qu’une grande part du clergé des institutions moribondes ne sont que des aumôniers d’humanisme, qui baptisent d’un semblant de jargon religieux toute espèce de laïcisme à la mode. Cette parabole devrait apaiser ces craintes. Elle place l’œuvre du diable dans sa vraie perspective : « Ne perdez pas courage si les dénominations et les églises spirituellement mortes ou moribondes, pleines de faux docteurs et de « chrétiens » hypocrites, couvrent le monde. Dieu vous appelle à soutenir la vérité telle qu’elle se trouve en Jésus, et à mener le bon combat de la foi. Il vous assure qu’il veille à ce que sa lumière ne s’éteigne point, en dépit de tous les efforts de l’ennemi. »
Quelle que soit la densité de l’ivraie, le champ appartient au Seigneur ! Le chrétien ne doit jamais permettre aux voix conflictuelles et confuses qui jaillissent de tous côtés de l’enfermer dans la pensée qu’il mène une lutte désespérée.
Oui, l’Évangile est simple et les vérités de la grâce divine sont évidentes. Vous pouvez saisir la vérité, quel que soit le peu de compréhension que vous vous accordez et l’intelligence apparente des adversaires de la Bible. Satan veut nous faire perdre espoir et dire : « Je ne sais que croire ! Peu importe en fait ce qu’on croit ; nous prions tous le même Dieu, de toute façon. »
Il vise à transformer les vraies églises en synagogues de son cru (Apocalypse 2.9 ; 3.9). Il remporte des succès spectaculaires, mais il échouera en fin de compte. Le danger constitue notre défi, mais aussi la mesure de notre victoire en Christ notre Sauveur, car Dieu « a tout mis sous ses pieds. » (Éphésiens 1.22)
(à suivre)
Gordon KEDDIE
www.batissezvotrevie.fr
* L’ivraie était probablement une sorte de « ray-grass » (Lollium), une plante assez semblable au blé au début de sa croissance.
Écrire commentaire