LE DÉBITEUR IMPITOYABLE (Matthieu 18.21-35)
(2° partie)
L’application de la parabole
Nous devons donc comprendre ce thème central et l'appliquer à nos propres attitudes et actions sous trois points principaux.
Le pardon de Dieu à notre encontre
1. Nous avons une dette colossale envers Dieu à cause de notre péché, et nous sommes incapables de la régler. Son pardon de nos péchés vient avant notre pardon de ceux des autres. En fait, le premier sert de motivation au second. Les bonnes œuvres n'effacent pas les mauvaises, car elles ne sont que notre devoir légitime (Luc 17.10). Le paiement de ma facture d'électricité de ce mois ne m'exonère pas de celle du mois précédent. Ma justice présente n'expie pas mon péché d'hier. En outre, « il n'y a point de juste, pas même un seul » (Romains 3.10 ; Psaume 14.1).
« Nous sommes tous des impurs, et toute notre justice est comme un vêtement souillé; nous sommes tous flétris comme une feuille, et nos crimes nous emportent comme le vent. » (Esaïe 54.5)
De manière inévitable et inéluctable, nos meilleurs efforts sont impotents pour nous sauver. Même si notre vie se déroulait désormais sans péché, dans nos pensées, paroles et actes (chose impossible bien sûr), nous ne pourrions toujours pas effacer les péchés du passé. Ils doivent cependant être expiés, car la justice parfaite de Dieu exige satisfaction.
Les péchés doivent être pardonnés ou le coupable souffrira le châtiment qu'il mérite. Cette punition est une séparation éternelle d'avec Dieu et l’infinie servitude de la corruption et des misères du mal déchaîné. L'enfer est une étreinte éternelle par le mal. C'est pourquoi l'Écriture en parle en termes de « pleurs et de grincements de dents », d' « étang de feu».
Ce n'est pas « les autres », comme le prétendait Sartre, mais un abandon absolu et éternel aux conséquences d'une farouche opposition à Dieu. En fin de compte, Dieu prend le pécheur incrédule et impénitent au mot : « Tu ne voulais pas de moi ? Je t'accorde ton désir pour l'éternité. Éloigne-toi de moi, maudit, et va dans l'étang de feu préparé pour le diable et ses anges. »
2. Dieu pardonne cette dette de manière souveraine et inconditionnelle. Le roi effaça la dette insolvable. En termes d'Évangile, Christ paie la dette du péché pour tous ceux qui croient en lui. Les croyants « sont gratuitement justifiés par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ » ; « Celui qui n'a point connu le péché, [Dieu] l'a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu » (Romains 3.24 ; 2 Corinthiens 5.21).
En Christ, le salut est gratuit et accordé souverainement. Personne ne peut le mériter ni le gagner. Il se reçoit par l'exercice de la foi, et cela « ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu » (Éphésiens 2.8). Dieu pardonne son peuple car il ne voit plus ses péchés. Ceux-ci ont été purifiés par Christ qui, par son sang, endura le châtiment d'une éternité de perdition en sa propre personne à la place de tous ceux qui croiraient
vraiment en lui. Les péchés de ces croyants sont couverts, Dieu ne les voit plus. Le péché pardonné est aussi oublié, rendu invisible, même aux yeux du Dieu qui voit tout ! Dieu pardonne en Christ, avant même que le pécheur ait fait quoi que ce soit. Ce pardon souverain est accordé et appliqué sans condition.
Une disposition de pardon dans le cœur
La parabole enseigne aussi clairement que la connaissance de la miséricorde divine résulte immanquablement en la production d'une telle disposition.
1. Il existe une manière correcte de recevoir le pardon. Le serviteur impitoyable savait que le roi lui avait remis sa dette, mais il n'avait de toute évidence pas reçu ce pardon avec une contrition authentique. Pour lui, cela signifiait « s'en tirer à bon compte » ! Son cœur inchangé n'avait aucune conception du fait que la miséricorde est en réalité un acte de la grâce souveraine. Il vivait dans le seul but de s'en tirer une fois de plus.
C'est pourquoi, dans la parabole, le roi annule son pardon face à la dureté de cet homme. Non pas que Dieu renverse sa décision de pardonner les péchés, mais seulement pour illustrer l'absence de connaissance concrète du pardon dans un cœur dénué d'un esprit de pardon. Une réelle confession des péchés, une authentique repentance et la foi au salut en Christ ne peuvent s'empêcher de produire un désir sincère de pardonner, comme on a été pardonné.
Le pardon se reçoit seulement au travers de la confession du péché et de la vraie repentance. « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité » (1 Jean 1.19). L'expérience de la grâce de Dieu motive notre exercice de la grâce à l'égard d'autrui.
2. La preuve d'une authentique réception du pardon se voit dans un esprit qui pardonne. Si le Dieu infini, éternel et immuable a remis la dette insolvable que lui doivent ceux qui deviennent croyants, il leur devrait être beaucoup plus aisé de remettre les moindres dettes que les autres ont envers eux.
Pourquoi est-il alors si difficile de pardonner ? Il s'agit d'un grand problème dans la vie chrétienne car le désir de vengeance, ou du moins d'une vindication décisive, est tellement enraciné dans notre nature. Obtenir justice nous plaît davantage que montrer de la miséricorde (tout au moins si cette justice s'abat sur autrui).
Jésus venait de montrer comment régler les disputes entre chrétiens (Matthieu 18.15-17). Vous commencez par aller avec votre doléance voir celui qui a péché contre vous. Si cela n'obtient pas de repentance et de réconciliation, vous prenez un ou deux témoins. En cas d'échec, vous vous adressez « à l'église », c'est-à-dire, aux anciens, qui ont la responsabilité de la direction spirituelle et de la discipline du corps de
Christ.
Ce n'est pas là un modèle mécanique pour obtenir la punition de l'auteur de l'offense. Le but visé est le renouvellement, la restitution et la réconciliation des deux individus directement impliqués, ainsi que de la communauté tout entière. Le parti blessé ne respecte donc pas l'intention biblique si le désir de se justifier le consume. Un esprit authentique de pardon doit clairement l'habiter. Pourtant combien de gens invoquent Matthieu 18 pour la discipline dans l'église tout en écartant ce côté de l'équation ? Combien l'utilisent avec un désir légaliste de vengeance, et s'y engagent poussés par une recherche de satisfaction personnelle ?
Pardonner est très difficile, car cela s'oppose à la nature dans son état de péché, ainsi qu'au désir légitime de justice qui dort en tout cœur humain. Il s'agit d'un exercice spirituel, qui découle de la grâce de Dieu. Il faut déjà avoir reçu le pardon de Christ pour aller vers les autres avec le désir de leur pardonner.
L'exemple de Jésus
L'instruction du Seigneur sur le pardon nous amène à parler du fait qu'il est l'exemple suprême pour tous ceux qui veulent le suivre. Non seulement enseigne-t-il la justice parfaite, mais il la vivait chaque minute de sa vie. Dans tous les aspects de sa personne et de son œuvre, il montre le chemin à suivre et conduit son peuple en se plaçant à sa tête. « Suivez-moi », dit-il, puis « Allez... » (Matthieu 4.19 ; 28.19)
1. Pensez à l'esprit de Christ. Il vint, poussé par son désir de rechercher et sauver les hommes perdus. « Dieu, en effet, n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu'il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui» (Jean 3.17). Tant de chrétiens sont engagés dans ce que j'appellerais le « ministère de l'outrage », tempêtant sans cesse contre l'immoralité qui les entoure, de sorte à parfois perdre l'Évangile dans les grandes bourrasques de colère et de jugement à venir. Il leur faut présenter l'Évangile dans le contexte de la loi, alors que Jésus plaçait la loi dans le cadre de l'Évangile.*
Ainsi, il appelle à la repentance et à la foi, et dit : « Va, et ne pèche plus. » Même dans son jugement sur les hommes perdus et réprouvés, qui refusent de venir à lui pour obtenir la vie, il lamente avec passion la destruction qu'ils s'imposent (Matthieu 23.37). Jésus vint afin que nous ayons la vie, et que nous l'ayons en abondance.
2. Pensez aussi à son sacrifice. Jésus obtint la rédemption des pécheurs en s'offrant lui-même en sacrifice pour le péché. De la croix, il peut s'écrier : « Père, pardonne-leur... », car il meurt à la place de tous ceux qu'il va sauver. Il porte le châtiment qu'ils méritent en prenant sur lui-même leur péché. « Celui qui n'a point connu le péché, il l'a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu » (2 Corinthiens 5.21). Sa mort est une expiation par substitution. Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures. Sa mort, et elle seule, effectue ce pardon dans lequel coïncident parfaitement la justice et la miséricorde de Dieu. Jésus reçut la justice, les croyants bénéficient de la miséricorde.
3. Pensez enfin au salut acquis par Christ. Le salut d'un peuple spécial mais perdu s'accomplit dans la mort substitutive de Christ, et s'applique, un par un, génération après génération, à chacun d'eux quand ils viennent à lui dans la foi et la repentance, le recevant tel que l'offre l'Évangile. L' expérience du salut par la grâce vient dans l'exercice d'une foi sincère dans le Seigneur Jésus-Christ comme Sauveur et Seigneur.
Jésus souligna cela fréquemment tout au long de son ministère : « Celui qui croit en lui n'est point jugé... Celui qui croit au Fils a la vie éternelle... Celui qui croit en moi n'aura jamais soif... des fleuves d'eau vive couleront de son sein... [Il] fera aussi les choses que je fais, et il en fera de plus grandes » (Jean 3.18,36 ; 6.35 ; 7.38 ; 14.12). Le message demeure le même aujourd'hui : « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner et pour nous purifier de toute iniquité... Celui qui a le Fils a la vie ; celui qui n'a pas le Fils de Dieu n' a pas la vie » (I Jean 3.9 ; 5.12).
La parabole du serviteur impitoyable enseigne qu'un esprit de pardon est une marque essentielle de la vie du royaume, d'une connaissance à salut de Jésus-Christ. Cela nous amène au cœur de l'Évangile. Ceux à qui beaucoup a été pardonné désirent suivre leur Sauveur en pardonnant les moindres dettes des autres. Le pardon authentique n'est pas un trait de caractère religieux, abstrait et neutre, mais le fruit du pardon de Dieu le Père en Christ dont on fait l'expérience par l'œuvre du Saint-Esprit.
Note :
* Voyez par exemple, comment Jésus aborde la Samaritaine. Il lui parle des « fleuves
d'eau vive » avant de la confronter à ses transgressions du septième commandement (Jean 4.10,17). Certains chrétiens aujourd'hui s'évertueraient à l'aide de la Bible à persuader cette femme de la réalité de son péché, avant de diriger ses regards vers le seul Sauveur. J'ai connu des gens qui ont subi des années de prédication de la Bible avant de réaliser que Jésus était en fait venu pour les sauver de leurs péchés. Il y avait en effet une trop grande accentuation de « l’œuvre de la loi » comme préparation à l’œuvre de la grâce.
Gordon KEDDIE
www.batissezvotrevie.fr
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