CONTRASTES

  

 

CONTRASTES

 

« Mieux vaut la fin d’une chose que son commencement. »

(Ecclésiaste 7.8)

 

Essayons maintenant d’additionner la somme des valeurs acquises par le papillon au cours de sa longue évolution. Nous trouvons toute une série de contrastes frappants qui nous permettront peut-être d’établir par analogie, les rapports qui existeront entre notre corps nouveau et notre corps actuel, et nous montreront comment, sans nous en douter, nous portons déjà maintenant au-dedans de nous, ce nouvel homme destiné à ressusciter un jour en gloire, quoique, reconnaissons-le, l’éclosion du papillon n’est pas une preuve de notre résurrection, mais une analogie très frappante.

 

Premier contraste. Sous sa forme inférieure, le papillon « broute » de l’herbe. La chenille n’est qu'un système digestif, ayant pour organe central une mâchoire de broyeur. Chez elle, tout est pour la bouche, elle n'est qu'un corps animal. Sous sa seconde forme, cette mâchoire disparaît, comme du reste le système digestif – le papillon n'en a point – et se trouve remplacée par une simple trompe, très élégante, roulée en spirale que l'insecte parfait enfonce dans le nectar des fleurs ; car lorsque le papillon est arrivé au terme de son développement, à son existence idéale, il n'a plus besoin de se nourrir pour grandir. Le corps définitif n'a besoin que de se sustenter. Y aura-t-il dans l'au-delà un nectar pareil pour l'entretien de ce que saint Paul appelle « les corps spirituels » ?

 

Deuxième contraste. Sous sa première forme, le papillon rampe. Ses seize pattes le rapprochent singulièrement du reptile. Si encore il ne faisait que se traîner d'une herbe à l'autre, mais il traverse la poussière des chemins, il entre dans la terre, il se mêle à tous les limons, à toutes les boues, il y séjourne même. Mais vienne le jour de sa métamorphose, au lieu de pattes voici quatre ailes d'une fraîcheur, d'une pureté de lignes, d'une harmonie de couleurs tout à fait incomparables, qui le lancent dans l'espace et lui permettent de planer. Le contraste est ici frappant. Je citerai l'exemple de la chenille du « Syrichtus » qui, de toutes les chenilles, est bien celle qui se meut avec le plus de peine ; elle marche si lentement et d'une manière si hésitante, qu'il lui faut bien vingt minutes pour avancer de quelques centimètres. Devient-il papillon ? Le Syrichtus passe comme l'éclair. C'est le plus vif des papillons. Est-ce peut-être aussi quelque chose de pareil qui caractérisera l'allure de notre homme nouveau dans le monde supérieur ? Ici-bas, nous nous traînons péniblement ; là-haut, nous serons des exemples superbes de promptitude et de vélocité !

 

Troisième contraste. Sous sa première forme le papillon est aveugle. « Les savants affirment que les chenilles ont des yeux ; je ne conteste pas le fait, dit F. de Rougemont, mais vingt-cinq ans d'études sur le vif m'ont prouvé que, si ces organes sont véritablement des yeux, ces yeux ne sont d'aucune utilité pratique pour la chenille, qui ne se dirige que par le toucher, les impressions lumineuses, que tout son corps éprouve et surtout les courants d'air auxquels elle est tout particulièrement sensible et qui lui font sentir de quel côté se trouvent les fenêtres, les portes, les trous, les fentes, le grand air, la liberté. Mais la chenille ne distingue rien visuellement. Cela je l'affirme avec une certitude absolue... et, tôt ou tard, la science me donnera raison. » Et, sous sa forme supérieure, elle se trouve pourvue d'yeux merveilleux.

Que sera-ce quand notre œil s'ouvrira à son tour ? « Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ; aujourd'hui, je connais en partie, disait l'apôtre, mais alors je connaîtrai comme j'ai été connu. » Tressaillons d'allégresse, notre lumière est en avant !

 

Quatrième contraste. Sous sa forme inférieure, le papillon ne possède guère que des organes de locomotion et de digestion. Sous sa forme supérieure, il se trouve enrichi d'un sens nouveau représenté par les antennes, si semblables à celles de la télégraphie sans fil, et d'une fonction sans doute analogue, puisqu'elles lui permettent de percevoir à d'immenses distances la présence d'un congénère perdu dans le fouillis d'un buisson.

Nous n'avons aucune idée des perceptions nouvelles dont sera également doué notre corps nouveau. Elles lui permettront peut-être de se rendre compte de ce qui se passe aux confins de l'univers. Non, nous n'avons aucune idée de ce qui nous attend !

 

Cinquième contraste. Chez nous autres, le « dessus » est d'ordinaire toujours plus beau que le « dessous ». Mais chez le papillon, le dessous de l'aile est tout aussi parfait que le dessus, et parfois plus brillant encore. Je pense à certains exemplaires des tropiques, aux « Catagrammes » en particulier, dont les dessous sont parfois de vraies féeries ! Et alors je fais le raisonnement suivant : Si ce qui caractérise souvent ici-bas notre être actuel, c'est la disproportion et la contradiction, ne devons-nous pas, dès maintenant, faire tout l'effort possible pour nous équilibrer parfaitement, en attendant que nous soyons revêtus d'un corps glorifié où le réel aura pris la place des apparences ? « Mieux vaut la fin d'une chose que son commencement », disait le vieil ecclésiaste ; nous ne devrions jamais l'oublier, nous autres chrétiens !

 

Alexandre MOREL

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