SEMAILLES ET MOISSONS
« Ce qu’un homme aura semé, il le moissonnera aussi ».
(Galates 6.7)
J'ai eu constamment devant les yeux, en écrivant ces pages, un double but : Allumer en mes lecteurs l'envie d'épeler à leur tour le livre admirable que le Créateur nous a donné dans la nature ; puis stimuler en eux le désir ardent de cultiver leur « homme intérieur », appelé à de si hautes destinées.
Et, pour bien établir le rapport étroit que j'aperçois entre ces deux domaines, entre les lois du monde de la nature et celles du monde spirituel, je terminerai mon exposé en parlant de la fixité, j'allais dire de la brutalité des lois de ces deux domaines.
Il n'y a rien, en effet, de plus brutal qu'une loi de la nature. Il y a possibilité de vaincre parfois un monstre. A force de supplications, de larmes et de prières, on réussira peut-être à amollir son cœur et à arracher un adoucissement au supplice qu'il pensait infliger. Mais tous nos efforts, toutes nos supplications, toutes nos larmes ne modifieront pas d'un iota l'immutabilité d'une loi naturelle.
Vous êtes dans les Alpes, en face d'une paroi de rocher. Vous faites sortir de votre poitrine quelques sons d'une mélodie aimée : après un silence de quelques secondes, l'écho vous répétera ce refrain avec une netteté absolument irréprochable. Mais lancez une fausse note dans votre chant, tous vos efforts ne pourront ni la modifier, ni l'arrêter, ni la rappeler à vous ; elle est partie, elle ira jusqu'à la paroi et vous reviendra telle quelle. Un faucheur donne un coup de faulx maladroit dans une touffe de fleurs rares ; tous ses regrets, toutes ses plaintes ne réussiront pas à réparer le dégât; la tige a été tranchée, fatalement la fleur se fanera. C'est une loi de la nature, aussi bien que cette certitude que deux et deux font quatre et non cinq.
Il résulte de là que l'un des caractères de la loi est la prophétie. L'astronome prédit quelle sera dans dix mille ans la position de tous les astres de notre système solaire. Le physicien prédit en combien de secondes et avec quelle accroissement de vitesse, la pierre qu'il a lancée du haut d'un rocher atteindra le fond du précipice. Le naturaliste prédit que cet œuf qu'il tient dans la main produira une poule et non un crocodile, ce gland un chêne et non un palmier. « On ne cueille pas, disait Jésus, des figues sur des chardons. »
Le papillon est une des illustrations les plus frappantes de cette vérité. Affamez une chenille ou limitez sa nourriture, empêchez-la simplement de brouter toute sa dose, vous ne verrez au jour de son éclosion qu'un papillon rapetissé et diminué. Blessez la peau d'une chenille, ne fût-ce qu'avec la pointe d'une fine aiguille, c'est sur l'aile que vous retrouverez les traces de cette égratignure. Vous la verrez chiffonnée, atrophiée, trouée. On a même essayé de couper quelques-unes des six pattes écailleuses que la chenille porte à la partie antérieure de son corps, on a retrouvé les traces de cette mutilation sur les membres de l'être parfait.
Ah! « ce qu'un homme aura semé, c'est ce qu'il moissonnera aussi ». Il y aura correspondance parfaite entre la vie terrestre que nous aurons menée et la vie de l'au-delà qui nous attend. Nous faisons facilement fi de certaines phases de notre vie ; nous nous consolons aisément de nos défaillances par cette pensée que la vie future nous rachètera des imperfections et des misères de la vie présente. Étrange illusion ! [...]
Dites ce que vous voudrez, faites ce qu'il vous plaira, rattachez-vous à l’Église de vos
rêves, nourrissez dans votre cœur les convictions religieuses les plus orthodoxes, vous ne changerez en rien la rigoureuse et fatale exactitude de cette loi : « un homme qui sème pour la chair, moissonnera de la chair la corruption ». En contester l'évidence ou raisonner comme si elle devait manquer à l'application et faire une exception pour vous, c'est ce que Paul appelle « se moquer de Dieu ».
Je vais même plus loin. Les spécialistes qui étudient le mystère de la coloration des ailes de papillon sont arrivés à établir certaines règles précises. Ainsi, il est partout reconnu que, plus la nourriture est abondante et savoureuse, plus la couleur du papillon tend à être vive. Un printemps pluvieux n'influe pas seulement sur la plante, mais sur la chenille, puis sur la chrysalide et enfin sur le papillon. Suivant la chaleur et la saison, on a pris, par exemple, des “Colias edusa” passant du jaune paille au jaune doré et même violacé.
Il y a une autre loi assez générale d'après laquelle les couleurs deviennent plus claires à mesure que l'on s'approche du Sud où brille un soleil plus intense ; les teintes foncées, grises, brunes et surtout noires des espèces de l'Europe septentrionale, vont en diminuant de plus en plus jusqu'à disparaître. Descendez aux tropiques, vous trouverez des ailes de papillon absolument glorieuses où s'unissent aux teintes les plus vives, le reflet des métaux, le brillant de la nacre et l'éclat des pierres précieuses. Ici, des séries d'yeux comme sur la queue d'un paon, là des bandes de velours ou de soie chatoyantes. On a compté trente-six couleurs ou nuances différentes dans le seul genre “Papilio” de l’Amérique du Sud. Ce qui faisait dire à Victor Hugo: “Le papillon, c’est un pastel!”
Oui, un pastel ! Et je crois qu’il dépend beaucoup de notre fidélité ici-bas, pour que le pastel que nous sommes en train d’esquisser rentre parmi les plus glorieux. Tout dépend de la distance et des intermittences que nous tolérons encore entre nous et Celui qui a dit: “Je suis la lumière de la vie.”
Quel stimulant!
Alexandre MOREL
www.batissezvotrevie.fr
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