POURQUOI DIEU PERMET-IL LA SOUFFRANCE ?
(2° partie)
La recherche d'une réponse
Nous aborderons notre étude du problème de la souffrance par quelques cas assez clairs.
Il y a en premier lieu les souffrances dont l'homme est directement et seul responsable. Lorsqu'à la suite d'une vie dissolue, un homme devient malade dans son corps et dans son esprit, il ne peut, en aucun cas, accuser son Créateur. Dieu, qui nous a donné la terre à cultiver et l'air pur à respirer, n'est pas responsable de la dégradation de la nature et des malheurs qui en sont la conséquence quand, par cupidité, les humains épuisent le sol ou polluent les eaux et l'atmosphère. Quand par faiblesse, gloutonnerie ou ivresse, un individu meurt prématu¬rément, il est lui-même responsable de la ruine de sa santé.
Il est cependant des cas où, à première vue, la situation n'est pas aussi claire. Que dire par exemple de la souffrance infligée aux autres par son propre égoïsme ? Celui qui est atteint de syphilis peut récolter les fruits amers de ses plaisirs, mais son enfant sera peut-être frappé de cécité. L'ivrogne qui se détruit lui-même peut aussi, au volant de sa voiture, blesser ou tuer. Le riche propriétaire d'une fabrique, qui déverse des déchets empoisonnés dans la mer, pollue l'environnement des autres.
Que répondre à tout cela ? Peut-on reprocher à Dieu de ne pas avoir créé des robots contrôlés par quelque ordinateur céleste, mais des hommes moralement responsables, qui ont gravement abusé de leur liberté ?
Qu'en est-il du problème que pose la souffrance de l'innocent ? Prenons l'exemple de la brutale exploitation d'hommes et de femmes à l'époque coloniale. Ce véritable esclavage devait enrichir les maîtres en Europe. Mais le départ des impérialistes et l'indépendance de ceux qui avaient été sous le joug n'ont rien changé à la situation. Les maîtres d'aujourd'hui ont la même couleur de peau que ceux qu'ils oppriment, et ils sont prêts à tirer profit de leurs concitoyens avec le même égoïsme que les anciens colonialistes. Au XlXème siècle, les ouvriers étaient exploités par des patrons durs et sans merci. Aujourd'hui, ce même égoïsme se retrouve dans les syndicats où les plus puissants d'entre eux ne se soucient guère des petits ou de la catégorie des retraités, tant qu'ils obtiennent satisfaction. L'innocence est souvent très relative ; l'exploité devient facilement l'exploiteur.
Mais cela ne résout pas les grands problèmes. Les catastrophes naturelles — tornades, éruptions volcaniques, tremblements de terre — ne sont pas provoquées par des agents humains, mais elles causent d'immenses souffrances. Les tragiques accidents, qui fauchent de nombreuses vies, n'ont pas été prémédités ; ils sont dus à une défaillance mécanique, à une faiblesse humaine, à une erreur de calcul. La naissance d'un enfant handicapé ne signifie pas que les parents aient eu une vie immorale. Dans tous ces cas, l'homme n'est pas directement responsable.
En abordant ces questions difficiles, il faut se souvenir d'un fait fondamental : depuis la désobéissance d'Adam et Eve, l'homme est séparé de Dieu. L'événement tragique de l'histoire humaine, décrit dans le troisième chapitre du livre de la Genèse, et appelé par les chrétiens «la chute», s'inscrit dans le contexte plus large de la rébellion de Satan et de ses anges contre l'autorité suprême de Dieu. Les conséquences de cet acte sont incalculables.
Avant la chute, Adam et Eve étaient en communion avec Dieu, ils connaissaient leur Créateur et son dessein d'amour à leur égard ainsi qu'à celui du monde. Le premier homme a même participé à l'œuvre divine en nommant les animaux (Gen.2) ; il vivait en pleine harmonie avec un environnement bienveillant. Dieu lui-même vit que tout ce qu'il avait créé était « très bon ».
Cette communion a été rompue par la désobéissance d'Adam et Eve. Désormais, l'homme vit séparé de Dieu et son esprit est dans l'obscurité ; il ne connaît ni son Créateur, ni les lois qui devaient régir tant le monde que lui-même. Adam avait reçu l'ordre de peupler la terre et de se l'assujettir. Cela ne pouvait se faire que grâce à une sagesse venant de Dieu. Dans sa condition déchue, en effet, l'homme est incapable d'échapper à sa propre cupidité et il exploite la nature plutôt qu'il ne la soumet. Il détruit ainsi son environnement, ses semblables et lui-même.
La rébellion de l'homme a aussi ouvert la porte à la domination de Satan. L'esprit déchu, qui s'est révolté contre le Seigneur, est devenu « le prince de ce monde ». La création a été envahie par des forces hostiles et l'apôtre Jean pourra écrire que « le monde entier est sous la puissance du malin » (1 Jean 5.19).
Les paroles de jugement prononcées par Dieu après la chute soulignent l'hostilité qui oppose Satan à la femme. Cette hostilité du prince des ténèbres va se concentrer sur Jésus-Christ, qui est « né d'une femme », et s'exercer contre tous les fils et filles d'Eve. Cette hostilité se cache derrière beaucoup de misères et de souffrances qui nous paraissent inexplicables.
Le livre de Job nous décrit l'activité perverse de Satan, mais il nous rassure aussi en nous rappelant que le pouvoir du « méchant » est limité par Dieu. Dans sa sagesse, et pour des raisons qu'il ne nous a pas révélées, le Seigneur a laissé à Satan une certaine puissance ; mais celle-ci reste toujours sous son contrôle. Ainsi, quoique sous dépendance, Satan exerce des ravages. C'est lui, notamment, qui est à l'origine des malheurs de Job : l'anéantissement de sa famille et de ses biens, sa maladie et ses souffrances.
Par ailleurs, Jésus parle d'une femme atteinte vraisemblable¬ment d'une maladie de la colonne vertébrale comme d'une victime que Satan a tenue liée durant dix-huit ans (Luc 13.16). Paul demande que le pécheur soit exclu de la communion fraternelle et livré à Satan, c'est-à-dire que son corps soit abandonné à son pouvoir (1 Corinthiens 5.5). L'apôtre lui-même, avec son écharde dans la chair, connaissait cette dure réalité. Quelle qu'ait été la nature de son affliction, elle était l'œuvre d'un « ange de Satan » (2 Corinthiens 12.7). En outre, le chapitre vingt du livre de l'Apocalypse est clair, indépendamment de l'interprétation qu'on lui donne : Satan vaincu conduit les nations dans le mensonge et la guerre (Apocalypse 20.8).
Ainsi, derrière la cupidité et la cruauté des hommes qui engendrent d'innombrables souffrances, se cache le prince des ténèbres. Trompant l'humanité, il accomplit dans l'ombre ses desseins et s'acharne à multiplier la peine des hommes qui portent encore en eux, malgré leur déchéance, l'image de leur Créateur.
Dans le jugement solennel prononcé par Dieu dans le jardin d'Eden, le sol même est maudit (Genèse 3.17) : la nature a été profondément affectée par les conséquences de la rébellion de Satan et du péché d'Adam. Le monde est privé de l'harmonie qui régnait lorsqu'il est sorti de la main du Créateur ; alors tout était « très bon ». Maintenant, c'est la discorde. La terre est la proie d'éléments destructeurs comme les tremblements de terre ou les inondations. Dans le monde animal, une espèce est décimée par une autre ou diffuse la maladie comme, par exemple, les moustiques qui transmettent la malaria. Tous les domaines de la vie sans exception ont été affectés.
L'apôtre Paul dépeint la création comme attendant avec impatience la gloire finale, quand le peuple de Dieu sera rendu parfait dans une création renouvelée : « La création a été soumise à la vanité — non de son propre gré, mais à cause de celui qui l'y a soumise — avec l'espérance qu'elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption » (Romains 8.21). Mais ce jour n'est pas encore venu et « la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l'enfantement » (Romains 8.22).
Si l'histoire s'arrêtait à la chute, on pourrait se laisser aller au plus profond désespoir. Mais Pierre a rappelé la promesse « de nouveaux cieux et d'une nouvelle terre où la justice habitera » (2 Pierre 3.13), promesse que Dieu avait faite par la bouche du prophète Esaïe : « Le loup habitera avec l'agneau, et la panthère se couchera avec le chevreau. Le veau, le lionceau, et le bétail qu'on engraisse, seront ensemble, et un petit enfant les conduira. La vache et l'ours auront un même pâturage, leurs petits un même gîte ; et le lion, comme le bœuf, mangera de la paille. Le nourrisson s'ébattra sur l'antre de la vipère, et l'enfant sevré mettra sa main dans le trou du basilic. Il ne se fera ni tort ni dommage sur toute ma montagne sainte ; car la terre sera remplie de la connaissance de l'Eternel » (Esaïe 11.6-9).
Mais si les tensions présentes du monde sont le fait du jugement divin, cela signifie que la souffrance qu'elles provoquent provient en dernier ressort de Dieu. On se trouve ainsi confronté à bien des questions auxquelles nous ne pouvons répondre. Nos esprits sont trop limités et obscurcis par le péché pour que nous puissions ou osions mettre en doute la justice du Tout-puissant. « Celui qui juge toute la terre n'exercera-t-il pas la justice ? » (Genèse 18.25). Cette interpellation d'Abraham est en fait une affirmation de sa foi. Et si tel est le jugement de Dieu, nous devons nous incliner dans la soumission devant sa souveraine sagesse. C'est ainsi que nous commencerons à entrevoir l'infinie gravité du péché qui a amené un tel désastre. Nous découvrirons aussi la grandeur de la réponse de Dieu, qui a envoyé Jésus-Christ pour la délivrance de son peuple et de l'univers. Le jugement divin n'apparaît pas seulement de manière générale ; il se manifeste aussi dans les châtiments dont Dieu frappe les nations et les individus. Cela a souvent été mal compris et, déjà au temps de Job, on croyait que la souffrance était le signe infaillible du jugement divin sur quelque faute particulière. Les disciples de Jésus pensaient de même lorsque, en face d'un aveugle, ils demandèrent : « Qui a péché, cet homme ou ses parents, pour qu'il soit aveugle ? » (Jean 9.2). Nous trouvons une question analogue au chapitre 13 de l'évangile de Luc à propos des Galiléens qui avaient été massacrés par Pilate.
Dans les deux cas, la réponse de Jésus est claire : les souffrances ne sont pas obligatoirement le signe d'un jugement divin pour une faute particulière. De l'aveugle, il dit : « Ce n'est pas que lui ou ses parents aient péché ; mais c'est afin que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui » (Jean 9.3).
Et en ce qui concerne le massacre des Galiléens, il répond par une autre question significative : « Croyez-vous que ces Galiléens fussent de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, parce qu'ils ont souffert de la sorte ? » (Luc 13.3).
Il arrive que Dieu juge el punisse des fautes particulières. Guéhazi (2 Rois 5.20-27) par exemple, fut frappé de lèpre à cause de sa cupidité et de sa tromperie. Ananias et Saphira, qui essayèrent de mentir à l'Esprit de Dieu, furent châtiés immédiate¬ment (Actes 5.1-11). Leur mort soudaine souligne la gravité de leur faute. L'histoire juive a été profondément marquée par la grande crise de l'exil au VIème siècle avant J.C. et, plus encore, par la prise de Jérusalem par les soldats romains en 70 après J.C. Dans ces jugements de caractère national, l'innocent souffre avec le coupable. C'était le problème angoissant d'Habakuk. Ce prophète a dû, comme beaucoup d'autres, reconnaître son incapacité à saisir les desseins divins : « L'Eternel est dans son saint temple. Que toute la terre fasse silence devant lui » (Habakuk 2.20).
Il y a un autre aspect du jugement qu'il ne faut pas perdre de vue. Quand Dieu envoie une épreuve, c'est dans un but positif. Nombreux sont ceux qui ont longtemps refusé d'écouter la voix de leur conscience et l'appel de l'évangile ; avec la souffrance ou le chagrin, ils ont ouvert leur cœur à la vérité. « Nous pouvons vivre comme des insensés, satisfaits dans notre péché... mais nous ne pouvons ignorer la souffrance. Dieu murmure au travers de nos plaisirs, il parle à notre conscience, mais il crie dans notre peine. La souffrance est son mégaphone pour éveiller un monde sourd. » (C.S. Lewis)
« Venez, retournons à l'Eternel ! car il a déchiré, mais il nous guérira ; il a frappé, mais il bandera nos plaies » (Osée 6.1). Pour beaucoup, la souffrance engendre l'amertume et la haine envers Dieu. Au travers de leurs pleurs, d'autres distinguent une lumière qui attire leur regard vers la Cité céleste. Cette lueur, c'est la miséricorde de Dieu, à laquelle l'homme répond par la repentance.
Herbert CARSON
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