L’EGLISE PRIMITIVE : UNE EGLISE DE PARFAITS ?
N'y avait-il donc aucun inconverti dans les églises primitives ? Affirmer cela serait méconnaître le caractère relatif de tout ce qui est humain. L'Eglise primitive n’était pas cette église sainte et infaillible… Il y avait certainement déjà de fausses conversions, des gens qui répondaient dans une certaine mesure à l'appel de Dieu, mais qui ne s'étaient pas vraiment repentis, qui n'avaient pas placé toute leur confiance en Christ, que le Saint- Esprit n'avait pas régénérés. Ces gens se faisaient illusion sur eux-mêmes et trompaient les autres. Ils pouvaient bien faire profession de foi, être baptisés et admis dans l’église, mais ils n'étaient pas véritablement nés de nouveau. Simon le magicien a induit les apôtres eux-mêmes en erreur (Act. 8. 5-17). L'apôtre Jean parle dans son épître de gens qui « sont sortis du milieu de nous, mais ils n'étaient pas des nôtres ». Ils y étaient donc durant quelque temps sans être réellement nés de nouveau. Cependant il ajoute : « s'ils eussent été des nôtres ils seraient demeurés avec nous » (1 Jn 2. 19).
Parmi les douze il y avait un « fils de perdition », mais lui non plus n’est pas demeuré dans le sein de la communauté apostolique. Cependant, dans une église remplie de l'Esprit du Seigneur, ces fausses situations ne subsistent pas longtemps : l'esprit qui avait inspiré Simon, fut bientôt démasqué (18-24). Dans une église malade, ces cas troubles peuvent mettre plus de temps à se clarifier. Le faux converti disparaît dans la masse des chrétiens tièdes ou charnels. C'était peut-être le cas à Corinthe. Deux versets des lettres que l’apôtre adresse à cette église peuvent nous amener à le penser.
« Revenez à vous-mêmes, comme de juste, et ne péchez pas ; car quelques-uns n’ont pas la connaissance de Dieu, je le dis à votre honte » (1 Cor. 15. 34). Cette traduction permet de supposer que des inconvertis s'étaient glissés dans l'église de Corinthe. Si c'était le cas, il importe de noter le commentaire de l’apôtre sur un tel état de fait : « je le dis à votre honte. » Au lieu de fournir un argument à ceux qui voudraient voir dans la présence d'incroyants dans l’église une situation normale, ce verset leur démontre que l'apôtre réprouvait une telle situation. Cependant, il n’est pas certain que la traduction ci-dessus soit la meilleure, on peut aussi traduire « agnosia » par « méconnaissance ». « En effet quelques-uns méconnaissent Dieu » (F. Godet, Goguel-Monnier). Il s'agirait alors d’une fausse connaissance de Dieu qui n’impliquerait pas nécessairement l'absence de conversion. N'oublions pas que ce verset se situe dans un contexte de faux enseignements sur la résurrection. Dans ce cas la « honte » rejaillirait sur le ministère de l'enseignement dans l’église de Corinthe.
« Examinez-vous vous-mêmes, pour voir si vous êtes dans la foi ; éprouvez-vous vous-mêmes, Ne reconnaissez-vous pas que Jésus-Christ est en vous ? À moins peut-être que vous ne soyez réprouvés » (2 Cor. 13. 5) ou « que l'épreuve ne soit pour vous un échec » (Segond révisé ) « que l'épreuve ne tourne contre vous » (Jérusalem). « L'idée est celle d’un examen où l'on échoue » (Goguel-Monnier).
Ce verset semble a priori démontrer que l’apôtre comptait avec la présence possible d’inconvertis dans l'Eglise de Corinthe. Pour bien en comprendre le sens, il faut toutefois le replacer également dans son contexte. Les Corinthiens contestaient la validité du ministère de Paul : « Vous cherchez une preuve que Christ parle par moi » (13. 3) ; mais si Christ n'a pas parlé par lui, il ne demeurait pas non plus en eux. Si Christ était en eux, c'est la preuve qu’il a parlé par Paul, puisque c'est par Paul qu’ils ont été amenés à la foi. « Puisque vous cherchez une preuve que Christ parle en moi, examinez-vous vous-mêmes pour voir si vous êtes dans la foi. Ne reconnaissez-vous pas que Jésus-Christ est en vous.» « La réponse sous-entendue est affirmative : « Oui, Christ est certainement en vous» (F. Godet). « La preuve de mon ministère vous la trouverez donc en votre propre foi. A moins toutefois que peut-être par hasard (« ei me ti ») vous ne soyez des chrétiens inauthentiques, que vous n’échouiez à cet examen et que vous ne vous découvriez des incroyants.» Pensée insoutenable pour les Corinthiens qui ne se croyaient nullement des réprouvés. Il faut sans doute voir une pointe d'ironie dans le raisonnement de l’apôtre : la conséquence logique du doute des Corinthiens au sujet de sa mission divine se retournait contre eux-mêmes, C’est en quelque sorte une démonstration par l'absurde de ce que l'apôtre a cherché à établir au cours de toute sa lettre : pour prouver que Christ n’a pas parlé à travers lui, il faudrait que les Corinthiens démontrent qu'ils ne sont eux-mêmes pas chrétiens, — alors qu'ils se croyaient des chrétiens supérieurs à l’apôtre ! Il suffit d’ailleurs de lire quelques versets plus loin pour constater que Paul était loin de tirer une telle conclusion du raisonnement qu'il suggérait. (v. 11-13.)
Ainsi, de ce verset non plus, pas plus que du précédent, on ne peut inférer de façon certaine la présence de non-croyants dans église de Corinthe. Le pourrait-on d’ailleurs, on ne saurait, face au nombre de versets qui affirment le contraire, en tirer qu’une conclusion : que Corinthe était l'exception qui confirme la règle — et que cette exception était loin de bénéficier de l'approbation apostolique. Si des inconvertis s'étaient glissés dans l’église, celle-ci n'avait pas le droit de les y tolérer : « Expulsez le méchant du milieu de vous » (1 Cor. 5.13). Voilà le principe apostolique1…
Alfred KUEN
www.batissezvotrevie.fr
1. A ce sujet, lire dans notre rubrique « Eglise », l’article intitulé « L’unité de l’église et la discipline ecclésiastique » (NDLR).
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