LE MYSTERE D’ISRAËL
Nous abordons le cœur du mystère d’Israël annoncé dans Romains 11, préparé par les versets 11 et 12 évoquant « la chute » d’Israël. Nous comprenons alors la parole de Jésus, déclarant à la Samaritaine que « Le salut vient des Juifs » (Jean 4.22). Faisons un parallèle audacieux avec « la chute » d’Adam et Eve, qui les a amenés à la conscience du bien et du mal, et finalement à la nécessité de la venue d’un rédempteur. Cette « chute », selon la traduction de louis Segond, est en fait le refus des Juifs d’accueillir Jésus et l’œuvre de la croix, ce qui donnera aux Goyim – les non-juifs - l’accès à l’Evangile que Paul traduit comme étant « la réconciliation du monde ».
Paul continue son développement, avec cette pensée prophétique :
Romains 11.15 : « Si leur mise à l'écart a entraîné la réconciliation du monde, que sera leur réintégration, sinon le passage de la mort à la vie ? »
Les prémices saintes
La traduction du verset 15 de David Stern est intéressante : « Si le fait qu’ils aient mis Yeshoua’ à l’écart a été la réconciliation pour le monde (avec Dieu), qu’en sera-t-il donc quand ils l’accepteront ? ». Et Paul de continuer l’argumentation : Romains 11.16 : « En effet, si les prémices du pain offert à Dieu sont consacrées, toute la pâte l'est aussi. Si la racine est consacrée, les branches le sont aussi ».
Ces paroles sont tellement riches de symboles ! Les prémices (bikourim) nous ramènent à Shavouot (Lévitique 23.17). Ces prémices prélevées sur la pâte sont consacrées à Dieu. Paul dit : « Si ces prémices sont saintes, alors toute la pâte l’est aussi ». Cette pâte ou ce pain représente Israël dans son ensemble.
Même logique avec les racines : si la racine qui représente les patriarches – Abraham, Isaac et Jacob – si cette racine est sainte, alors « les branches le sont aussi ». Car l’alliance faite avec Abraham est inconditionnelle (Genèse 15.18), et comme le dit Paul, « les dons et l’appel de Dieu (sur Israël) sont irrévocables » (v.29).
L’olivier franc
Nous voilà à la grande image de la greffe, avec l’olivier franc et l’olivier sauvage! Le qualificatif « franc » est du patois de Canaan ! Il s’agit en fait de l’ « olivier cultivé ». Cela nous permet de faire certaines corrections. Lisons dans cette traduction :
Romains 11.24 : « Si toi, tu as été coupé de l'olivier naturellement sauvage, et enté contrairement à ta nature sur l'olivier franc, à plus forte raison eux seront-ils entés selon leur nature sur leur propre olivier ».
L’expression « contrairement à ta nature » est une mauvaise traduction. Il faut lire « contre nature » (en grec, para physin). La greffe dont parle Paul, normalement, se fait dans le sens inverse : on greffe de l’olivier franc sur de l’olivier sauvage. Mais cette greffe est spirituelle - Dieu travaille dans le surnaturel. Le texte dit bien « contrairement à la nature », et non « contrairement à ta nature ». Contre nature, c’est-à-dire contre les lois de la botanique. L’olivier franc porte de bons fruits non pas parce qu’Israël est naturellement bon, mais parce qu’il a été choisi par la grâce de Dieu. Israël ne représente donc pas, dans l’Histoire, la nature et ses lois, mais la grâce souveraine de l’Eternel !
Greffés à leur place ?
Une autre mauvaise traduction (dans Segond, la Colombe, le Semeur 2000, Martin, Ostervald) prête à confusion – « à leur place » - ajoutant à l’antisémitisme, confortant la pensée du remplacement d’Israël par l’Eglise (bon : Darby, Segond 21, King-James) :
Romains 11.17 : « Mais si quelques-unes des branches ont été retranchées, et si toi, qui étais un olivier sauvage, tu as été enté parmi les branches, et rendu participant de la racine et de la graisse de l'olivier, ne te glorifie pas au dépend de ces branches ». Le grec « en autos » ne laisse aucun doute : « parmi, au milieu d’elles », et non « à leur place ». En étant donc greffés au milieu des Juifs – nous, païens qui n’avions pas droit à l’alliance - sur l’olivier franc, nous devenons coparticipants de la racine généreuse de l’olivier cultivé par Dieu.
Ne tombe pas dans l’orgueil !
Paul a été « averti » de l’orgueil de l’Eglise prétendant être greffée à la place d’Israël. Par trois fois (Romains 11.18, 20, 25), Paul avertit les chrétiens – nous, les branches greffées issues de l’olivier sauvage : « Ne te glorifie pas, ne t’abandonne pas dans l’orgueil ! ».
Romains 11.25 « En effet, je ne veux pas, frères et sœurs, que vous ignoriez ce mystère, afin que vous ne vous preniez pas pour sages : une partie d'Israël est tombée dans l'endurcissement jusqu'à ce que la totalité des païens soit entrée ». L’Eglise est hélas tombée dans ce piège de se croire meilleure ! Durant 2000 ans, la Chrétienté a persécuté le peuple juif, en ne comprenant pas ce « mystère d’Israël ». Est-ce que nous réalisons l’énormité de cette faute ? C’est contre Dieu et ses desseins que l’Eglise a agi, en forçant les Juifs à se convertir, en massacrant les communautés juives. En ignorant les racines juives « qui nous portent » (Romains 11.18), en les coupant spirituellement, le chrétien se coupe de l’alliance divine faite avec Abraham. En fait, il se replace sur l’olivier sauvage qui ne porte pas de fruit.
Un autre mot mérite un éclaircissement : « la totalité des païens ». Il s’agit de la plénitude (du grec « pleroma »), une totalité « qualitative », signifiant le nombre que Dieu a prévu. Il ne s’agit pas donc de « tous les païens » – qui donnerait lieu à la théologie multitudiniste (tout le monde est sauvé), mais à l’Epouse sanctifiée.
Tout Israël sera sauvé !
Nous arrivons là au nœud du problème ! Rappelons que la définition de ce « tout » appartient à Dieu.
Romains 11.26 « Et ainsi tout Israël sera sauvé, selon qu'il est écrit : le Libérateur viendra de Sion, et il détournera de Jacob les impiétés. Et ce sera mon alliance avec eux, lorsque J'ôterai leurs péchés ».
Paul cite les Ecritures (Esaïe 59.20 ; 27.9), évoquant le Rédempteur qui rachète Israël. Le prophète Esaïe précise : « Châtié au travers de l’exil… le crime de Jacob sera expié » (Esaïe 27.9). Dieu déclare également : « J’enlèverai l’iniquité de ce pays en un jour » (Zacharie 3.9). Et à nous, chrétiens, Dieu dit (Esaïe 40.1) : « Consolez, consolez mon peuple … son iniquité est expiée … il a payé au double de ses péchés ».
En résumé, lors de l’avènement du Messie, le Seigneur appellera son Epouse dans les nuées, et se révèlera en même temps à son peuple, lorsqu’il posera ses pieds sur le mont des Oliviers (Zacharie 14.4). Dans la pensée hébraïque, « les pieds » évoquent la royauté : en se révélant, le Seigneur rétablira le peuple juif dans le Royaume messianique, et fera d’Israël à nouveau, « la tête des nations » (Jérémie 31.6).
Miséricorde à tous
La fin de Romains 11 est glorieuse ! Paul voit l’immensité et la profondeur de la grâce divine … la logique divine qui s’oppose à tout raisonnement humain : Romains 11.30-32 : « De même que vous avez autrefois désobéi à Dieu et que vous avez maintenant obtenu grâce, à cause de leur désobéissance, de même ils ont maintenant désobéi afin d'obtenir eux aussi grâce, à cause de la grâce qui vous a été faite, car Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire grâce à tous ».
Autrement dit, si nous qui étions sans Dieu avons pu bénéficier de la grâce divine, combien plus le peuple juif qui est déjà inscrit dans l’alliance, bénéficiera de cette même grâce ! Qui sommes-nous pour reprocher à Israël de ne pas croire en Jésus ? Je cite le théologien Jacques Ellul (1912-1994) :
« Dieu s’est servi des refus d’Israël pour convertir les païens, et il va se servir de la conversion des païens pour assurer le retour d’Israël… Notre rejet était temporaire, leur rejet aussi, et nous ne devons jamais oublier, premièrement, que les Juifs ne sont pas hors de l’amour de Dieu, ni ensuite, tout ce que nous leur devons ».
Les chrétiens ne doivent jamais oublier que c’est grâce aux Juifs qu’ils sont aimés de Dieu. Ainsi, dira Jacques Ellul : « Israël doit toujours être au centre de la théologie chrétienne ». Un autre théologien, Fadiey Lovsky (1914-2015) a déclaré : « Sans Israël, l’Eglise n’aura jamais qu’une théologie bancale ».
Voilà ce que nous disent ces chapitres 9, 10 et 11 de Romains !
Paul incite l’Eglise à beaucoup d’humilité et de repentance concernant le mystère d’Israël. Israël est notre boussole en plus d’être l’horloge de Dieu, dans ces derniers temps où le monde, et peut-être l’Eglise avec, a perdu sa direction et le sens de la Parole prophétique (2 Pierre 1.19). A nous d’ajuster notre direction, et d’aligner nos pensées sur celles de Dieu.
Gérald FRUHINSHOLZ
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